Du Je au Nous

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Qui fuis-je, où cours-je et à quoi sers-je?

Qui n’a jamais plaisanté autour de ces questions: qui fuis-je, où cours-je, et à quoi sers-je? Celles-ci, même formulées en boutade, nous font un peu peur. Quand elles arrivent à notre conscience, souvent nous courons et fuyons plus vite pour ne pas les entendre et surtout ne pas tenter d’y répondre. Nous courons d’une chose à faire à l’autre, oubliant d’être. En planifiant ainsi toujours plus de choses à faire dans nos vies, tôt ou tard il y a forcément moins de vie dans les choses que l’on fait… et nous venons à manquer de l’essentiel: de vie, de sensation de vie, de sens à nos vies. Bien sûr, l’hyperactivité, la surconsommation (de relations, de télé, d’Internet, d’alcool, de nourriture, de vêtements, de gadgets, d’activités, de loisirs), la violence subtile (manipulation émotionnelle, culpabilisation, séduction) ou grossière, et la victimisation peuvent nous donner un moment l’impression d’exister, et nous nous disons: «Je cours tout le temps, j’achète ce que je veux, je me bagarre ou je me plains, donc j’existe!» Mais quelqu’un en nous n’est pas dupe de ces fugues, refuges et subterfuges, et nous demande: «Qui fuis-je et à quoi sers-je?»

Qui fuis-je, où cours-je et à quoi sers-je?

une partie de nous sait que nous vivons en réaction (tiraillés entre ce que nous aimons ou n’aimons pas, ce dont nous avons envie ou n’avons pas envie, ce qui nous peine et nous réjouit) et non en création (inspirés par notre élan profond, au-delà des circonstances).

Qui fuyons-nous?

Quand nous aimerions tant goûter l’intimité véritable, avec nous-mêmes comme avec l’autre, comment réaliser que c’est la peur de nous-mêmes qui nous la fait fuir?

Où courons-nous?

Aurions-nous à ce point peur que la fuite en avant, qui a l’apparence très valorisée socialement de dynamisme et d’engagement, devienne notre assurance de ne jamais nous rencontrer? Plus nous nous fuyons, plus nous courons… Et plus nous courons, moins nous goûtons le sens de la vie.

Nous voilà pris au piège!

Où courons-nous?

Une vie pleine de choses à faire est, parfois, vide de sens.

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

Nous ne parviendrons pas, collectivement, à respecter la nature si, individuellement, nous continuons à faire systématiquement violence à notre propre nature. Nous ne pourrons pas réapprendre à respecter le rythme, les ressources et les limites de la terre si nous ne respectons pas notre propre rythme, nos ressources et nos limites. L’intériorité qui transforme me paraît être la clé de la citoyenneté nouvelle dont l’humanité a besoin, pour sauver sa peau d’abord et pour continuer ensuite l’aventure de la vie à l’heure du village global.

L’intériorité: Une notion psy, chrétienne, zen, new age, ou le lieu même de notre humanité?

il arrive que nous ressentions, passagèrement ou durablement, une impression de surnager, sans vision perspective, de vagues en creux de vagues, comme ballottés entre nos peurs et nos désirs, particulièrement entre notre peur de manquer de quelque chose (d’amour, de reconnaissance, de sécurité…) et nos désirs compensatoires (de consommation, de rencontres et de satisfactions superficielles), ou emportés par des vagues d’émotion que nous ne comprenons et ne maîtrisons pas. Tandis que nous tentons – entre la surexcitation et l’abattement – de survivre dans cette mer qui nous paraît au mieux ennuyeuse et au pire hostile, le rêve qu’un dauphin rieur vienne proposer l’appui de sa nageoire pour nous guider vers un rivage accueillant ne nous traverse-t-il pas? Depuis le temps que j’aide des gens à passer à travers toutes sortes d’intempéries, s’est forgée en moi la conviction que, quel que soit l’état de la mer et celui du nageur hébété que nous sommes, quelque chose en nous, comme un dauphin rieur – notre élan de vie propre –, attend que nous lui tendions la main pour nous porter là où nous aimerions aller. L’intériorité est cet espace que nous pouvons ouvrir, agrandir et habiter pour accueillir notre élan de vie. Mais tant que l’espace intérieur est fermé, l’élan est bloqué.

L’intériorité: Une notion psy, chrétienne, zen, new age, ou le lieu même de notre humanité?

Par plus libre, je veux dire moins entravé par des mécanismes inconscients: peurs et colères enfouies, croyances limitantes, a priori automatiques, projections inhibantes et autres «vieilles casseroles» que l’on traîne souvent derrière soi sans même le savoir.

L’intériorité: Une notion psy, chrétienne, zen, new age, ou le lieu même de notre humanité?

Par plus responsable, je veux dire – au sens étymologique même du mot – plus à même d’offrir une réponse personnelle aux questions de la vie, une réponse qui engage l’être unique que nous sommes et pas seulement notre personnage construit par les milieux familial, social, religieux et professionnel et les croyances et habitudes de pensée que ces conditionnements supposent; une réponse dont nous pouvons assumer joyeusement les conséquences pas forcément confortables sans les faire peser sur les autres ou sur des facteurs extérieurs

Où courons-nous?

Il m’a personnellement fallu quelques années de mal-être croissant, dans ma précédente profession, avant de comprendre que l’avidité avec laquelle j’avalais ma bière en rentrant du boulot, l’acharnement avec lequel je faisais mon jogging tous les deux jours, l’énergie que je consumais en jardinage vigoureux ou encore mon besoin de sortir pour faire des rencontres ne traduisaient pas tant la satisfaction de la journée accomplie, le plaisir de maintenir mon corps en forme, d’être les mains aux choses de la terre ou de rencontrer des gens que mon besoin d’évacuer les tensions qui m’habitaient alors et les frustrations, colères et insatisfactions que celles-ci exprimaient.

Où courons-nous?

Je n’avais, à l’époque, aucunement conscience que ces tensions témoignaient d’un mal-être. Je les prenais pour les conséquences d’une vie professionnelle normale. Je n’avais aucun outil pour les décoder et pour comprendre que mon être profond ou ma vraie personne étouffait sous le gentil personnage que je montrais aux autres, et que l’heure du changement avait sonné. Même à partir du moment où j’ai commencé à réaliser mon mal-être, faute d’outil de conscience pour l’aborder, j’ai eu trop peur d’ouvrir la boîte du cœur, et j’ai continué à me fuir en courant de chose à faire en chose à faire, et de compensation en compensation

À quoi servons-nous?

Parmi nos besoins fondamentaux (sécurité, nourriture, reconnaissance, appartenance…), il y a ceux de nous sentir utiles, de compter pour quelqu’un, de contribuer à quelque chose, ainsi que de comprendre notre vie et d’y trouver un sens.

À quoi servons-nous?

De la simple recherche d’un cadeau d’anniversaire approprié pour un proche à l’implication personnelle dans des projets artistiques, économiques ou sociaux – en passant par l’humble routine quotidienne et familiale souvent fort sous estimée –, l’engagement personnel conscient favorise la joie. Au-delà du «faire», parvenir à goûter la sensation d’exister et de participer à la vie, à sentir notre appartenance et le lien qui nous relie à toute vie est source de sens.

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

Il me semble que, quand la difficulté se présente, quand nous ne nous comprenons plus et ne comprenons plus ce qui nous arrive, quand les conflits s’instaurent en systèmes de relation et l’ennui ou les passages à vide en mode de vie, quand rien ne va plus, et que d’une manière ou d’une autre l’heure du changement sonne dans nos vies, ce dont nous manquons ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources. Je parle de ressources intérieures comme l’imagination, l’intuition, la créativité, l’intelligence du cœur, la puissance d’action et de transformation, la confiance, la paix et l’amour bienveillant.

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

ce qui nous manque devant l’obstacle, ce n’est pas les moyens de le dépasser, mais plutôt la capacité de recul qui permet de trouver ces moyens et d’envisager comment démonter l’obstacle, le traverser, le contourner, sauter pardessus ou glisser par-dessous, «faire avec» ou même l’utiliser.

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

Jésus a confirmé cette invitation à se connaître soi-même et à s’aimer comme condition de la relation d’amour à l’autre: «Aime ton prochain comme toi-même.» Il semble que nous ayons également tendance à oublier la seconde partie de cette phrase: «comme toi-même», et donc à négliger ce qu’elle implique, soit prendre le temps de se connaître pour apprendre à s’aimer. Qui de nous peut dire qu’il a appris, dès l’enfance, à se connaître en profondeur et à être en paix avec les différentes parties de lui-même?

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

«connais-toi toi-même» de Socrate

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

Socrate précise: «et tu connaîtras l’Univers et les Dieux…» Avons-nous bien mesuré la portée de cette promesse?

Ce dont nous manquons, ce n’est pas de ressources, mais d’accès à ces ressources

Le citoyen du monde, au début du XXIe siècle, ne peut envisager de faire face aux défis familiaux et scolaires (éducation et formation des jeunes), sociaux et professionnels (emploi, logement, sécurité matérielle, plaisir de vivre…) sur les plans local et national, ainsi qu’aux défis climatiques planétaires dont l’urgence n’est plus à prouver, sans sortir de son inconscience, c’est-à-dire sans remettre profondément en cause sa façon d’être au monde, de vivre son appartenance à l’univers et aux différents groupes auxquels il appartient, ainsi que sa façon de trouver un sens à sa vie et d’y intégrer des rapports humains solidaires. La citoyenneté d’aujourd’hui, élargie au village global, a besoin de s’enraciner dans une conscience élargie.

À citoyenneté nouvelle, conscience nouvelle:

le développement social durable s’enracine dans

le développement personnel profond.

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