Source : Le monde comme volonté et comme représentation
je veux parler du rire. Nous ne pouvons nous abstenir, à cause de cette origine, de fournir ici quelques éclaircissements, bien qu’ils retardent de nouveau notre marche. Le rire n’est jamais autre chose que le manque de convenance – soudainement constaté – entre un concept et les objets réels qu’il a suggérés, de quelque façon que ce soit ; et le rire consiste précisément dans l’expression de ce contraste. Il se produit souvent, lorsque deux ou plusieurs objets réels sont pensés sous un même concept et absorbés dans son identité, et qu’après cela une différence complète dans tout le reste montre que le concept ne leur convenait qu’à un seul point de vue. On rit aussi souvent, lorsqu’on découvre tout à coup une discordance frappante entre un objet réel unique et le concept sous lequel il a été subsumé à juste titre, mais à un seul point de vue. Plus est forte la subsomption de telles réalités sous le concept en question, plus en outre leur contraste avec lui sera considérable et nettement tranché, et plus d’autre part sera puissant l’effet risible qui jaillira de cette opposition. Le rire se produit donc toujours à la suite d’une subsomption paradoxale, et par conséquent inattendue, qu’elle s’exprime en paroles ou en action. Voilà, en abrégé, la vraie théorie du rire