Livre de James Nestor sur la Respiration
Respirer
Highlights
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
Environ 40 % de la population actuelle souffre d’obstruction nasale chronique, et la moitié d’entre nous respirons régulièrement par la bouche. Les causes en sont multiples : sécheresse de l’air, stress, inflammation, allergies, pollution, traitements médicaux…
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
sont apparus dans l’océan, puis ont trouvé le moyen de survivre hors de l’eau, collés sur les rochers. Nous étions bien peu de chose alors, juste des cellules microscopiques qui formaient ensemble un amas gluant. Et nous avions faim. Nous avions besoin d’énergie pour vivre et nous multiplier, alors nous avons trouvé un moyen de manger l’air.À cette époque, l’atmosphère se composait essentiellement de dioxyde de carbone (CO2), ce qui ne constituait pas le meilleur carburant, mais ne fonctionnait pas trop mal. La version primitive de nous-mêmes a appris à absorber ce gaz, à le fragmenter et à rejeter un déchet : l’oxygène. Pendant 1 milliard d’années, les bactéries primitives ont continué ainsi à manger du CO2, à se multiplier et à excréter de l’oxygène.Et puis, il y a environ 2,5 milliards d’années, il y a eu suffisamment de rejets d’oxygène pour qu’un ancêtre peu difficile commence à se nourrir des déchets des autres. Il a appris à faire l’inverse des êtres vivants existant jusqu’alors : avaler de l’oxygène et rejeter du dioxyde de carbone. Ce fut le premier cycle de vie aérobie.Il se trouve que l’oxygène produit seize fois plus d’énergie que le dioxyde de carbone. Ce shoot d’oxygène a permis aux êtres vivants aérobies d’évoluer et de quitter le stade de bouillasse collée aux rochers pour gagner progressivement en taille et en complexité. Certains se sont mis à ramper sur la terre ferme, d’autres ont plongé au fond de la mer, d’autres encore se sont envolés dans les airs, jusqu’à devenir des plantes, des arbres, des oiseaux, des abeilles ou des mammifères.
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
La capacité à respirer de façon si efficace, de façon aussi variée — consciemment ou non, vite, lentement ou pas du tout — a permis aux premiers mammifères de capturer des proies, d’échapper à leurs prédateurs et de s’adapter à différents environnements.
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
Les mammifères ont développé un nez qui leur permet de réchauffer et de purifier l’air, une gorge qui guide cet air jusqu’aux poumons et un réseau d’alvéoles pulmonaires pour capter l’oxygène et le transférer dans le sang. Les cellules aérobies, qui tapissaient jadis les rochers marécageux, ont alors constitué les tissus de l’organisme des mammifères. Ces cellules étaient capables de prélever l’oxygène du sang et d’y rejeter du dioxyde de carbone, qui repart alors dans les veines, puis dans les poumons, avant d’être rejeté dans l’atmosphère : tel est le principe de la respiration.
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
À l’heure actuelle, les changements que connaît le corps humain n’ont plus rien à voir avec la « survie du mieux adapté ». Nous adoptons et passons à la génération suivante des caractéristiques qui nuisent à notre santé. Ce concept, baptisé « dysévolution », a été popularisé par un biologiste de Harvard, Daniel Lieberman. C’est ce qui expliquerait pourquoi nous avons mal au dos, aux pieds, et pourquoi nos os perdent de leur solidité. La dysévolution explique aussi pourquoi nous respirons si mal.
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
Une nouvelle caractéristique nous distingue des autres primates : un nez proéminent.Le problème, c’est que ce nez, plus étroit, positionné verticalement, avec les narines en dessous, est moins efficace pour filtrer l’air. Il nous expose davantage aux bactéries et autres pathogènes aérosols. Tout comme notre bouche et nos sinus, notre gorge est devenue plus étroite. Plus nous cuisinons, plus nous consommons d’aliments mous, transformés et riches en calories, plus notre cerveau grossit et plus nos voies respiratoires s’atrophient.
Chapitre 1 - Mal équipés pour respirer
pendant ma première tentative de sommeil avec un nez volontairement bouché, mes ronflements ont augmenté de 1 300 %, pour atteindre 75 minutes (pour Olsson, le bilan est encore plus désastreux : il est passé de 0 à 4 heures et 10 minutes de ronflements). La fréquence de mes apnées a quadruplé. Et le tout en 24 heures à peine !À présent, j’ai beau essayer de me détendre et de me rappeler que je le fais pour la science, je n’en mène pas large. Toutes les 3,3 secondes, un afflux d’air non filtré, non humidifié et non réchauffé entre dans ma bouche, irritant ma gorge et agressant mes poumons. Et il me reste 175 000 souffles à tirer…
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Douillard recommença le test, cette fois en demandant aux cyclistes de ne respirer que par le nez. Alors que l’intensité de l’exercice augmentait, leur fréquence respiratoire se mit à baisser ! Lors de la phase finale à 200 watts, l’un des cobayes, qui haletait à l’étape d’avant au rythme de 47 cycles par minute, était descendu à 14 respirations nasales par minute ! Quant à sa fréquence cardiaque, elle était restée stable tout au long du test, alors que l’intensité de l’exercice avait décuplé.Douillard nota que le simple fait de s’entraîner à respirer par le nez pouvait diviser l’effort par deux et améliorer l’endurance de façon spectaculaire. Après avoir effectué l’exercice en respiration nasale, les athlètes ne se sentaient pas fatigués… mais au contraire revigorés. Tous se jurèrent de ne plus jamais respirer par la bouche.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’expérience de Douillard, il nous faut d’abord comprendre comment notre corps transforme l’air et la nourriture en énergie. Deux options : soit avec de l’oxygène, dans un processus que l’on nomme respiration aérobie ; soit sans oxygène, auquel cas on parle de respiration anaérobie.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
L’énergie anaérobie n’est générée qu’au moyen du glucose (un sucre simple) ; c’est elle qui est le plus facilement et rapidement accessible. Elle nous sert de système de secours, ou de turbo quand notre corps manque d’oxygène. Cependant, l’énergie anaérobie est très peu efficace et elle peut se révéler toxique, en produisant un excès d’acide lactique. La nausée, la faiblesse musculaire et la sudation que vous expérimentez après avoir un peu trop forcé en salle sont les conséquences d’un surrégime anaérobie. Ce processus explique aussi que les premières minutes d’un entraînement intense soient souvent si pénibles. Nos poumons et notre système respiratoire n’ont pas encore pris le rythme pour fournir l’oxygène dont nous avons besoin
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
c’est pourquoi l’exercice nous paraît plus facile après un échauffement : nous laissons à notre corps le temps de passer d’une respiration anaérobie à une respiration aérobie.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
En fait, l’énergie anaérobie est comme une voiture de sport au moteur surdimensionné : rapide et réactive pour de courts trajets, mais polluante et inutilisable sur de longues distances.Voilà pourquoi notre respiration aérobie est si importante.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Quand nous fonctionnons de façon aérobie, en utilisant l’oxygène, nous sommes seize fois plus efficaces que quand nous utilisons l’énergie anaérobie. L’idéal est de rester dans cette zone de combustion efficace, exempte de déchets toxiques, autant que possible quand nous faisons du sport, et pendant tout notre temps de repos.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Je pédale un peu plus vite sur mon vélo immobile, je respire un peu plus profondément et je vois mon pouls augmenter régulièrement : 112, 114… Pendant les 3 minutes d’échauffement, il faut que je monte à 136 battements par minute, et que j’y reste pendant 30 minutes. En principe, cette fréquence est pile à la limite entre aérobie et anaérobie pour un homme de mon âge.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
La formule qui vous permet de calculer votre fréquence cardiaque de croisière est très simple : soustrayez votre âge de 180. Le résultat, c’est la fréquence maximale que votre corps peut supporter sans quitter un état aérobie.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Vous pouvez vous entraîner sur de longues périodes tant que votre fréquence cardiaque reste inférieure, à défaut de quoi votre corps risque de plonger trop profondément et trop longtemps dans la zone anaérobie. Au lieu de vous sentir plein de force et de vigueur après votre entraînement, vous seriez fatigué, flageolant, nauséeux…
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Il s’avère que respirer par la bouche modifie notre morphologie et celle de nos voies respiratoires… pour le pire. L’air inspiré par la bouche nous arrive avec une pression moindre, ce qui entraîne un relâchement et un infléchissement vers l’intérieur des tissus mous au fond de notre gorge, nous laissant moins de place pour respirer. Et c’est un cercle vicieux.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Quand on inspire par le nez, c’est l’inverse. L’air est vigoureusement projeté contre les tissus mous, ce qui élargit le passage et facilite la respiration. Au bout d’un certain temps, ces muscles et ces tissus sont tonifiés et conservent leur position ouverte. C’est un cercle vertueux.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Quand les rhinites allergiques font leur retour saisonnier, les apnées du sommeil et autres problèmes de respiration se multiplient. Nos fosses nasales sont enflammées, nous nous mettons à respirer par la bouche et notre gorge se ratatine sur elle-même. « C’est mécanique », conclut McKeown.Le fait de dormir bouche ouverte accentue ces problèmes. Chaque fois que nous posons la tête sur un oreiller, la gravité tire vers l’arrière les tissus mous de notre gorge et de notre langue. Au bout d’un moment, ils s’habituent à cette position, et c’est ainsi que le ronflement et l’apnée du sommeil deviennent la norme.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
En dix jours, mes ronflements ont augmenté de 4 820 %. C’est la première fois, du moins à ma connaissance, que je commence à souffrir d’apnée obstructive du sommeil. Certaines nuits, j’ai eu jusqu’à vingt-cinq apnées ; mon taux d’oxygénation est alors descendu en dessous de 85 %.Quand ce taux passe sous la barre des 90 %, le sang ne peut plus fournir suffisamment d’oxygène aux différents tissus du corps. Si cette situation se prolonge, il y a un risque de dysfonctionnement cardiaque, de migraine, de problèmes de mémoire et de décès prématuré. Je n’en suis pas encore là, mais les résultats de mes tests ne cessent d’empirer.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
ceux qui dorment la mâchoire ouverte, par le va-et-vient constant de l’air, ont le palais et la langue secs, et ont grand soif tout au long de la nuit
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
La respiration buccale fait perdre au corps 40 % d’eau en plus. Je n’arrête pas de me réveiller complètement déshydraté au cours de la nuit. On pourrait penser que cette évaporation diminue le besoin d’uriner, mais, bizarrement, c’est l’inverse qui se passe.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Au cours des phases de sommeil les plus profondes et régénérantes, la glande pituitaire, un organe de la taille d’un petit pois situé à la base de notre cerveau, secrète les hormones qui contrôlent la libération d’adrénaline, d’endorphine, d’hormone de croissance et de bien d’autres hormones encore, y compris la vasopressine, qui communique avec les cellules pour leur dire quand stocker de l’eau. C’est ainsi que les animaux peuvent dormir toute la nuit sans avoir soif et sans avoir besoin de se soulager.Mais si le corps ne bénéficie pas de suffisamment de sommeil profond, comme c’est le cas quand il est sujet à de l’apnée du sommeil chronique, la vasopressine n’est pas secrétée normalement. Les reins relâchent de l’eau, ce qui déclenche le besoin d’uriner et signale à notre cerveau que nous devons absorber du liquide. Nous avons en même temps envie de boire et d’uriner. Le manque de vasopressine explique tout à la fois l’irritabilité apparente de ma vessie et la soif ardente que je ressens toutes les nuits.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Plusieurs livres décrivent les effets abominables du ronflement et de l’apnée du sommeil. Ils expliquent comment ces affections peuvent entraîner énurésie, trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH), diabète, hypertension, cancer, etc. J’ai lu dans un rapport de la Mayo Clinic, l’un des plus éminents hôpitaux universitaires des États-Unis, que l’insomnie chronique, longtemps ramenée à un problème psychologique, est en fait souvent liée à une mauvaise respiration. Ces millions d’Américains qui souffrent d’insomnie chronique et qui en sont réduits à fixer pendant des heures la fenêtre de leur chambre, leur téléphone, la télé ou le plafond sont exactement dans le même cas que moi : s’ils ne dorment pas, c’est parce qu’ils ne respirent pas.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
contrairement à ce que l’on a tendance à penser, le fait de ronfler, même légèrement, n’a rien de normal. Le Dr Christian Guilleminault, spécialiste du sommeil à Stanford, s’est aperçu que les enfants à la respiration encombrée, « difficile », ou qui ronflaient un peu — quoique sans aucune apnée du sommeil —, pouvaient souffrir de troubles de l’humeur, de perturbations de la tension artérielle, de difficultés cognitives…
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
Une autre étude japonaise, sur les humains cette fois et datée de 2013, a mis en évidence le fait que la respiration buccale perturbait l’approvisionnement en oxygène du cortex préfrontal, la zone du cerveau associée au TDAH.
Chapitre 2 - Respirer par la bouche ?
oubliés les cernes, les paupières tombantes et les joues molles ! Elle respire maintenant par le nez et ne ronfle plus. Ses allergies et ses autres problèmes respiratoires ont presque complètement disparu. Il n’y a que deux ans d’écart entre les deux clichés, et la transformation est spectaculaire.C’est ce qui arrive à de nombreux autres patients — aussi bien adultes qu’enfants —, qui peuvent de nouveau respirer correctement : leur visage allongé, à la mâchoire pendante, a repris une configuration plus naturelle. Ils voient leur hypertension s’évanouir, leur dépression s’atténuer, leurs maux de tête disparaître.
Chapitre 3 - Le nez
Le nez est un organe essentiel parce qu’il filtre l’air, le réchauffe et l’humidifie pour faciliter son absorption. La plupart des gens le savent. Ce qu’ils ignorent, c’est par exemple le rôle inattendu du nez dans des problèmes tels que les troubles de l’érection, c’est le fait qu’il peut déclencher un afflux d’hormones qui abaisse la tension artérielle et facilite la digestion, le fait qu’il change en fonction des différentes phases du cycle menstruel, qu’il est capable de réguler notre fréquence cardiaque, de dilater les vaisseaux de nos orteils et d’engranger des souvenirs, ou encore que la densité de nos poils de nez aide à déterminer si on est susceptible d’avoir de l’asthme.
Chapitre 3 - Le nez
Il y a trois cents ans, un ancien texte tantrique, Shiva Swarodaya, décrivait le fait que l’une de nos narines s’ouvre parfois pour laisser passer l’air toute la journée, tandis que l’autre se ferme imperceptiblement. Certains jours, la narine droite se réveille en bâillant pour saluer le soleil ; d’autres jours, la gauche s’éveille à la rondeur de la lune. Selon ce texte, ces rythmes sont les mêmes sur un mois, et identiques pour l’humanité tout entière. Ce serait pour notre corps une façon de rester équilibré, ancré, calé sur le rythme du cosmos et de nos semblables.
Chapitre 3 - Le nez
les scientifiques savent depuis plus de cent ans que les narines pulsent vraiment à leur propre rythme, qu’elles s’ouvrent et se ferment comme des fleurs tout au long du jour et de la nuit.Ce phénomène, nommé « cycle nasal », a été décrit pour la première fois en 1895 par un médecin allemand du nom de Richard Kayser. Il avait constaté sur ses patients que les tissus qui tapissaient l’une des deux narines semblaient soudain se congestionner et se fermer, pendant que l’autre s’ouvrait. Puis, au bout de 30 minutes à 4 heures, les narines alternaient, de façon cyclique
Chapitre 3 - Le nez
Il s’avère en effet que l’intérieur du nez est tapissé de tissu érectile, tout à fait similaire à la chair qui constitue le pénis, le clitoris ou les tétons. Oui, nous avons des érections nasales ! En quelques secondes, notre nez peut lui aussi s’engorger de sang, grossir et se raidir. En effet, le nez est l’organe le plus intimement connecté à nos parties génitales ; quand l’un est stimulé, l’autre répond. Chez certaines personnes, le simple fait de penser au sexe cause des érections nasales si sévères qu’elles ont du mal à respirer et se mettent à éternuer de façon incontrôlable, une situation embarrassante connue sous le nom de « rhinite de la lune de miel ». À mesure que la stimulation faiblit et que le tissu érectile se relâche, le nez en fait autant.
Chapitre 3 - Le nez
Ensemble, la narine droite et la narine gauche fonctionnent un peu comme un climatiseur réversible, qui contrôle la température et la pression artérielle, et qui fournit au cerveau des substances affectant notre humeur, nos émotions et nos états de sommeil.
Chapitre 3 - Le nez
La narine droite est la pédale d’accélération. Quand vous inhalez majoritairement de ce côté, la circulation sanguine prend de la vitesse, votre corps se réchauffe, votre taux de cortisol, votre tension et votre fréquence cardiaque augmentent. En effet, respirer par le côté droit du nez active le système nerveux sympathique, le mécanisme « combat-fuite » qui place le corps dans un état de vigilance exacerbée. Respirer par la narine droite provoque aussi un afflux de sang dans l’hémisphère opposé du cerveau, en particulier dans le cortex préfrontal, associé à la prise de décision logique, au langage et au traitement de l’information.
Chapitre 3 - Le nez
Inhaler par la narine gauche a l’effet inverse : c’est plutôt un système de freinage. La narine gauche est plus profondément connectée au système nerveux parasympathique, la partie « relaxation et digestion » de notre système nerveux autonome, celle qui abaisse la tension, rafraîchit le corps et réduit l’anxiété. Respirer par la narine gauche envoie le sang vers le côté opposé du cortex préfrontal, dans ce « cerveau droit » qui influence la pensée créative et joue un rôle dans la formation d’abstractions mentales ainsi que dans la production d’émotions négatives.
Chapitre 3 - Le nez
j’ai suivi une autre technique, nommée surya bheda pranayama, « respiration solaire ». Il s’agit cette fois d’inspirer par la narine droite et d’expirer par la gauche, plusieurs fois de suite.Après ces exercices, je me sens merveilleusement bien. J’ai tout de suite l’esprit plus clair, le corps plus détendu ; j’ai même un peu l’impression de flotter. Comme on me l’avait promis, je ne souffre plus d’aucun reflux gastro-œsophagien, je n’ai plus la moindre douleur à l’estomac. Malheureusement, le bien-être procuré par ces techniques est en général passager : il se dissipe au bout de 30 minutes.
Chapitre 3 - Le nez
Au cours des dernières vingt-quatre heures, c’est une pratique différente qui m’a apporté le changement le plus profond : j’ai juste laissé mes tissus nasaux érectiles changer de forme à leur guise, pour ajuster naturellement l’afflux d’air en fonction des besoins de mon corps et de mon cerveau. Bref, j’ai respiré par le nez.
Chapitre 3 - Le nez
En un seul souffle, vous inspirez plus de molécules d’air qu’il n’y a de grains de sable sur toutes les plages de la planète
Chapitre 3 - Le nez
elles continuent à tournoyer quand elles entrent dans votre nez, se déplaçant à une vitesse d’environ 8 kilomètres à l’heure.Pour canaliser ce flot désordonné, nous disposons de six lames osseuses (trois de chaque côté) en forme de labyrinthe : les cornets nasaux
Chapitre 3 - Le nez
Les cornets nasaux inférieurs, juste derrière nos narines, sont recouverts de ce tissu érectile qui s’épanouit et se rétracte cycliquement. Ce tissu est lui-même recouvert d’une membrane muqueuse, une couche de cellules gluantes qui humidifie l’air et l’amène à la température de notre corps tout en filtrant particules et éléments polluants, des intrus qui risquent de provoquer infections et irritations s’ils atteignent nos alvéoles pulmonaires. Le mucus est la première ligne de défense de nos voies respiratoires. Il est en mouvement constant, et progresse à un rythme d’environ 13 millimètres par minute, soit près de 2 kilomètres par jour. Il forme une sorte de tapis roulant qui ramasse les déchets inhalés dans notre nez et en rejette la plus grande partie dans notre gorge, puis dans notre estomac, où ils sont « stérilisés » par l’acide gastrique avant d’être évacués par les intestins.
Chapitre 3 - Le nez
Les différents cornets travaillent de concert pour réchauffer, filtrer, ralentir et pressuriser l’air, de façon que nos poumons extraient un maximum d’oxygène à chaque inspiration. Voilà pourquoi la respiration nasale est tellement plus saine et efficace que la respiration buccale.
Chapitre 3 - Le nez
Alors que ces Amérindiens ne voyaient jamais ni dentiste ni médecin conventionnel, leurs dents étaient parfaitement alignées, « aussi régulières que les touches d’un piano », selon Catlin. Personne ne semblait jamais tomber malade, les difformités et autres problèmes de santé chroniques semblaient inexistants. Les tribus attribuaient leur santé éclatante à une pratique, qualifiée de « secret vital » par Catlin. Ce secret, c’était la respiration.
Chapitre 3 - Le nez
Les Premières Nations américaines expliquèrent à Catlin que le souffle inhalé par la bouche sapait le corps de son énergie, déformait la face et occasionnait stress et maladies. En revanche, inhaler par le nez permettait de conserver la force physique, donnait un beau visage et prévenait les maladies. Catlin comprit que le nez était un merveilleux purificateur d’air : « Il y a autant de différences entre l’air qui pénètre les narines et celui qui arrive enfin aux poumons qu’entre l’eau d’une citerne et celle d’une mare à grenouilles », écrit-il.
Chapitre 3 - Le nez
L’apprentissage de la respiration saine commençait dès la naissance. Dans toutes ces tribus, les mères se conformaient aux mêmes pratiques : elles refermaient soigneusement la bouche du bébé après chaque tétée et, la nuit, elles surveillaient régulièrement les nourrissons endormis, leur pinçant les lèvres s’ils les ouvraient. Certains peuples emmaillotaient les bébés sur une planche bien droite et plaçaient un oreiller sous leur tête, de façon à les empêcher de respirer par la bouche. On prenait soin de ne pas trop les couvrir en hiver, et de ne pas les porter trop serrés contre soi l’été : trop de chaleur leur aurait donné envie d’ouvrir la bouche.
Chapitre 3 - Le nez
Dr Mark Burhenne étudie les liens entre le sommeil et la respiration buccale depuis de nombreuses années, il a même écrit un livre sur ce sujet. Il soutient que la respiration buccale contribue à l’apparition de maladies parodontales, donne mauvaise haleine et est la première cause des caries, devant la consommation de sucre, le déséquilibre alimentaire et le manque d’hygiène (cette théorie est partagée par quelques dentistes depuis une centaine d’années, et Catlin la défendait également). Burhenne est lui aussi arrivé à la conclusion que la respiration buccale peut occasionner ou empirer les ronflements et l’apnée du sommeil. Il recommande à ses patients de se scotcher la bouche la nuit.
Chapitre 3 - Le nez
« Les bénéfices de la respiration nasale sur la santé sont indéniables », m’a-t-il dit. L’un d’entre eux est que les sinus libèrent une forte dose d’oxyde nitrique, une molécule qui joue un rôle important dans l’approvisionnement des cellules en oxygène. Notre système immunitaire, notre corpulence, notre circulation sanguine et même notre forme sexuelle peuvent être fortement influencés par le taux d’oxyde nitrique dans notre corps (le sildénafil, médicament contre les troubles de la fonction érectile, bien connu sous la marque Viagra®, agit en libérant de l’oxyde nitrique dans le sang, ce qui permet de dilater les capillaires, entre autres dans les parties génitales).
Chapitre 3 - Le nez
À elle seule, la respiration nasale peut multiplier par six le taux d’oxyde nitrique, ce qui explique en partie pourquoi elle nous permet d’absorber 18 % d’oxygène en plus que la respiration buccale
Chapitre 3 - Le nez
Burhenne affirme que le fait de scotcher la bouche d’un petit patient de 5 ans lui a permis de surmonter son TDAH, un trouble directement associé à des difficultés respiratoires pendant le sommeil
Chapitre 3 - Le nez
Une visite chez l’ORL lui avait appris que ses cavités nasales étaient encombrées par ses propres tissus enflammés. Le spécialiste avait conclu qu’il n’y avait que deux façons de rouvrir son nez, les médicaments et la chirurgie, mais elle avait décidé plutôt d’essayer le sparadrap.« La première nuit, j’ai tenu cinq minutes avant de tout arracher », me dit-elle. La deuxième nuit, elle avait réussi à supporter son bâillon pendant dix minutes. Quelques jours plus tard, elle dormait ainsi jusqu’au matin, et au bout de six semaines son nez était complètement ouvert.
Chapitre 3 - Le nez
Au bout du compte, j’ai constaté qu’un petit morceau d’adhésif de la taille d’un timbre-poste appliqué au milieu des lèvres suffisait, une sorte moustache à la Chaplin descendue de 2 centimètres, c’est tout. Cette approche me donnait moins l’impression d’étouffer et laissait tout de même un petit espace sur les côtés si j’avais besoin de parler ou de tousser. Après un certain nombre d’essais et d’erreurs, je me suis arrêté sur le sparadrap tissé 3M Nexcare Durapore®, qui est confortable, ne colle pas trop, n’a pas d’odeur chimique et ne laisse pas de traces.
Chapitre 4 - Souffler
Olsson et moi avons bien besoin de nous étirer. En effet, même si nous respirons par le nez vingt-quatre heures sur vingt-quatre, cela ne nous servira pas à grand-chose si nous ne disposons pas de la capacité pulmonaire permettant de contenir tout cet air. Quelques minutes par jour d’étirements coordonnés avec la respiration suffisent à augmenter la nôtre, ainsi que, nous l’espérons, notre durée de vie.Les postures que nous pratiquons se nomment les « cinq rites tibétains »,
Chapitre 4 - Souffler
Dans les années 1980, les chercheurs de la Framingham Study, un programme de recherche mené de longue haleine (soixante-dix ans) autour des pathologies cardiaques, ont tenté de déterminer si le volume des poumons avait vraiment une influence sur la longévité. Pendant une vingtaine d’années, ils ont recueilli des données sur 5 200 sujets et ont découvert, contre toute attente, que le principal facteur d’une longue espérance de vie n’est ni le bagage génétique, ni l’alimentation, ni le temps d’exercice quotidien : c’est la capacité pulmonaire. Plus les patients avaient de petits poumons, plus vite ils tombaient malades et mouraient, toutes pathologies confondues.
Chapitre 4 - Souffler
Les médecins étaient capables de pratiquer des opérations chirurgicales pour retirer les tissus malades et d’administrer des médicaments pour enrayer les infections, mais pas de donner des conseils pour garder des poumons volumineux et en bonne santé tout au long de la vie. Jusque dans les années 1980, la médecine occidentale pensait globalement que nous n’avions aucun impact sur notre capacité pulmonaire. Ces organes se dégradaient avec l’âge, il fallait en prendre son parti.
Chapitre 4 - Souffler
Les poumons eux-mêmes perdent environ 12 % de leur capacité entre 30 et 50 ans. Par la suite, le déclin est plus rapide, et la situation est encore pire pour les femmes que pour les hommes. Nous inspirons 30 % d’air en moins à 80 ans qu’à 20 ans, et nous sommes obligés de respirer plus vite, plus fort. Ce schéma respiratoire conduit à des problèmes chroniques : hypertension, troubles du système immunitaire, anxiété…
Chapitre 4 - Souffler
Nos organes internes sont malléables, nous pouvons les transformer à tout moment, ou presque.Les plongeurs en apnée le savent parfaitement. Parmi ceux que j’ai rencontrés il y a quelques années, certains avaient augmenté leur volume pulmonaire de 30 %, voire de 40 %. Celui de Herbert Nitsch, un plongeur autrichien qui a battu pas moins de trente-deux records du monde, serait de 14 litres, soit environ le double de la capacité pulmonaire moyenne généralement attribuée aux hommes. Ni lui ni aucun autre apnéiste n’est né avec cette morphologie phénoménale. C’est par la force de leur volonté qu’ils ont agrandi leurs poumons, et modifié leurs organes internes grâce à certaines techniques respiratoires.
Chapitre 4 - Souffler
On sait maintenant que l’effort physique modéré, tel que la marche ou le vélo, permet d’augmenter la taille des poumons de 15 %.
Chapitre 4 - Souffler
En 1910, à l’âge de 16 ans, Katharina Schroth commença à pratiquer une technique nommée « respiration orthopédique ». Debout devant son miroir, elle tournait le buste d’un côté pour respirer dans le poumon du côté opposé, dirigeant son inspiration vers la concavité vertébrale, puis elle rejoignait en claudiquant une table et, après avoir étendu le buste sur le flanc, elle arquait les côtes pour respirer dans l’espace ainsi libéré. Au bout de cinq ans de ce régime, elle avait réussi à se guérir de sa scoliose réputée incurable : elle avait redressé sa colonne par la force de sa respiration.
Chapitre 4 - Souffler
La communauté médicale allemande dénigra Schroth, qui ne disposait d’aucune qualification de médecin ou de thérapeute. Elle continua pourtant à appliquer sa méthode sans se soucier des moqueurs, demandant aux femmes de se dépoitrailler dans une clairière boueuse pour s’étirer et respirer. En quelques semaines, les dos se redressaient. De nombreux étudiants récupéraient plusieurs centimètres de stature, des femmes impotentes se remettaient à marcher, et tous pouvaient enfin respirer à fond.
Chapitre 4 - Souffler
Des années plus tard, la communauté médicale finit par changer son fusil d’épaule, et le gouvernement allemand remit à la vieille dame la Croix fédérale du mérite pour sa contribution à l’avancée de la médecine.
Chapitre 4 - Souffler
Lynn Martin a travaillé avec Stough pendant près de vingt ans. Elle est ma porte d’entrée vers cet homme mystérieux, qui a tant œuvré pour développer l’art oublié de la respiration. Ce que Stough a découvert, et lui a transmis, c’est que la phase la plus importante de la respiration n’est pas juste le fait d’absorber de l’air par le nez. L’inspiration, c’est la partie la plus facile de toute l’histoire. La clé de la respiration, de l’expansion des poumons et de la longévité se situe à l’autre bout du processus, dans le pouvoir transformateur d’une expiration complète.
Chapitre 4 - Souffler
Chanter, parler, bâiller, soupirer… chaque fois que nous vocalisons, c’est dans la phase d’expiration. Stough pense que la voix fluette de certains de ses élèves vient du fait que leur expiration n’est pas assez affirmée.
Chapitre 4 - Souffler
Alors qu’il dirige différents ensembles au Westminster Choir College, dans le New Jersey, Stough se met en devoir d’apprendre à ses choristes à expirer correctement, en renforçant leurs muscles respiratoires et en élargissant leurs poumons. Au bout de quelques séances, leur voix est à la fois plus claire, plus robuste et plus nuancée.
Chapitre 4 - Souffler
En 1958, il reçoit un appel de l’East Orange Veterans Affairs Hospital, un établissement de santé pour anciens combattants situé dans le New Jersey. « Vous devez savoir quelque chose qui nous échappe », lui dit le Dr Maurice J. Small, directeur du pôle tuberculose de l’hôpital. Le Dr Small veut savoir si Stough serait d’accord pour accompagner un nouveau groupe d’élèves, dont aucun ne sait chanter… En fait, ils ne peuvent pas chanter. Certains ne peuvent même pas parler, ni marcher. Ces patients souffrent d’emphysème, une dégradation progressive des tissus des poumons qui se manifeste par une bronchite et une toux chroniques. Au bout d’un moment, les poumons sont si endommagés que les malades ne sont plus en mesure d’absorber efficacement l’oxygène. Ils sont alors obligés de respirer à petites goulées très rapides, absorbant beaucoup plus d’air que nécessaire et, paradoxalement, se sentant à bout de souffle. À l’époque, l’emphysème est réputé incurable.Quand Stough arrive dans l’établissement du Dr Small, quelques semaines plus tard, il est horrifié. Des dizaines de patients gisent sur leur lit, le teint pâle et parcheminé, la bouche ouverte comme un poisson hors de l’eau. L’oxygène délivré par leurs canules nasales ne semble rien pouvoir faire pour retarder leur triste mort. Dans la journée, le personnel hospitalier, désemparé, se contente d’aligner leurs lits dans une salle sinistre. Le service fonctionne ainsi depuis un demi-siècle.« Je supposais naïvement que tout le monde possédait les rudiments de la physiologie, écrit Stough dans son autobiographie, Dr Breath2. Et j’étais encore plus naïf de croire que tout le monde avait conscience de l’importance de la respiration. Rien n’aurait pu être plus éloigné de la vérité. »
Chapitre 4 - Souffler
Pensant bien faire, les infirmières ont placé des oreillers dans le dos des patients, de sorte que leur dos est arqué vers le haut. L’idée était de créer une élévation pour favoriser l’inhalation. Stough voit tout de suite que cela ne sert qu’à empirer la situation. Il comprend alors que l’emphysème est une maladie de l’expiration. Les patients ne souffrent pas parce qu’ils n’arrivent pas à absorber de l’air neuf, mais parce qu’ils ne peuvent pas se débarrasser correctement de l’air vicié.
Chapitre 4 - Souffler
En temps normal, le sang qui coule dans nos veines et nos artères fait un tour de circuit complet par minute, ce qui revient en moyenne à 7 500 litres par jour. Ce flux sanguin, régulier et continu, permet de fournir les cellules en oxygène et d’en éliminer les déchets. La vitesse et l’intensité de cette circulation sont déterminées en grande partie par la pression exercée dans le thorax sur les vaisseaux et les cavités cardiaques. À l’inspiration, une baisse de pression intrathoracique attire le sang dans le cœur. Le moteur de cette pompe est le diaphragme, un muscle en forme de toile de parachute situé juste sous les poumons. Le diaphragme se soulève à l’expiration, diminuant le volume des poumons, puis redescend pour leur donner de l’ampleur à l’inspiration. Ce mouvement de pendule se produit en nous environ 50 000 fois par jour.
Chapitre 4 - Souffler
Un adulte moyen utilise à peine 10 % de l’amplitude de son diaphragme quand il respire, ce qui surcharge le cœur, augmente la tension artérielle et cause toute une série de problèmes circulatoires. Allonger chaque souffle de façon à utiliser 50 %, voire 70 %, de l’amplitude du diaphragme permet de relâcher le stress cardio-vasculaire et entraîne un meilleur fonctionnement du corps. C’est pourquoi on dit parfois que le diaphragme est un « deuxième cœur » : lui aussi est soumis à un « battement », qui affecte de surcroît le rythme et la puissance de notre cœur.
Chapitre 4 - Souffler
Carl Stough constate que le diaphragme de tous les malades d’emphysème de l’hôpital est défaillant. Les radiographies montrent que l’amplitude de ce muscle équivaut chez eux à une minuscule fraction de la normale : ils n’inspirent à chaque fois qu’une toute petite bouffée d’air. Ces patients sont malades depuis si longtemps que les nombreux muscles et tendons de leur torse se sont raidis et atrophiés
Chapitre 4 - Souffler
leurs muscles ont complètement oublié ce que peut être une respiration profonde ! Stough passe les deux mois suivants à leur rafraîchir la mémoire. « Les activités que je proposais semblaient absurdes vues de l’extérieur, et les patients eux-mêmes trouvaient tout cela idiot, au début », écrit-il.
Chapitre 4 - Souffler
Pour commencer, il les allonge à plat dos, passe les mains sur leur torse et tapote doucement les muscles raidis de leur cage thoracique surgonflée. Il leur fait retenir leur souffle et compter de 1 à 5 autant de fois qu’ils le peuvent, puis il leur masse le cou et la gorge en leur demandant d’inspirer et d’expirer très lentement afin de sortir leur diaphragme de son long sommeil. Chaque exercice permet aux patients de laisser échapper un peu plus d’air, et donc d’en absorber un peu plus à l’inspiration suivante.Au bout de plusieurs séances, certains patients parviennent, pour la première fois depuis des années, à prononcer une phrase entière en un seul souffle. D’autres se remettent à marcher. « Un vieux monsieur qui n’arrivait plus à traverser sa chambre parvint non seulement à marcher, mais à monter l’escalier de l’hôpital, ce qui est vraiment remarquable pour un cas d’emphysème aussi avancé que le sien », note Stough. Un autre ancien combattant, jusque-là incapable de respirer plus de 15 minutes sans machine à oxygène, réussit à tenir pendant 5 heures d’affilée. Un homme de 55 ans, souffrant d’emphysème depuis huit ans, est complètement guéri : à sa sortie de l’hôpital, il entreprend un voyage à la voile jusqu’en Floride.Les radios avant-après montrent que les patients de Stough ont réussi à augmenter considérablement la capacité de leurs poumons en quelques semaines à peine. Encore plus spectaculaire : ils ont pu entraîner un muscle utilisé jusque-là de façon involontaire (le diaphragme) à gagner en amplitude à la descente comme à la montée. L’administration de l’hôpital oppose à Stough que c’est impossible : personne ne peut développer ses muscles et autres organes internes. À un moment donné, plusieurs médecins signent une pétition pour interdire à Stough de traiter les patients et pour le bannir du système hospitalier. Après tout, il est chef de chœur, pas médecin. Mais les rayons X ne mentent pas. Pour confirmer ses résultats, Carl Stough enregistre la première capture d’un diaphragme en mouvement, en utilisant une toute nouvelle technique de vidéo à rayons X, la cinéfluorographie. Tout le monde doit se rendre à l’évidence.
Chapitre 4 - Souffler
Stough n’a pas trouvé de remède contre l’emphysème lui-même. Les lésions pulmonaires sont irréversibles. Ce qu’il a trouvé, c’est une façon d’accéder au reste des poumons, aux zones encore en bon état, et de les impliquer davantage dans la respiration. La cure prescrite par Stough est complètement empirique, mais elle fonctionne.
Chapitre 4 - Souffler
Au-delà de l’emphysème, il se met à guérir l’asthme, la bronchite, la pneumonie et bien d’autres maladies respiratoires. Il comprend en outre que maîtriser l’art de l’expiration n’est pas bénéfique seulement pour les personnes souffrant d’une maladie chronique et les chanteurs professionnels : tout le monde peut en tirer profit.
Chapitre 4 - Souffler
Lynn Martin m’explique qu’en règle générale nous n’avons pas besoin de respirer de cette façon. Notre corps peut survivre à une respiration courte et hachée pendant des dizaines d’années — c’est ce qui se passe pour bon nombre d’entre nous —, mais cela ne veut pas dire que c’est bon pour notre santé. Au fil du temps, cette respiration peu profonde limite l’amplitude de notre diaphragme et notre capacité pulmonaire, ce qui mène à cette posture aux épaules remontées, à la poitrine sortie et au cou tendu, commune aux malades d’emphysème, d’asthme et d’autres problèmes respiratoires. Selon Lynn Martin, cette posture et ce mode de respiration ne sont pas très difficiles à corriger.
Chapitre 4 - Souffler
Après plusieurs respirations complètes pour ouvrir ma cage thoracique, Lynn me demande de compter de 1 à 10 sur chaque expiration. « Allez-y : 1, 2, 3… Maintenant, recommencez. N’arrêtez pas. » À la fin de la première expiration, je suis si essoufflé que je n’arrive plus à vocaliser, mais je dois continuer à compter quand même, quitte à le faire en silence, et ma voix s’étire en une sorte de sous-murmure.Je continue comme ça pendant quelques cycles : au début, je compte vite et fort, mais les derniers nombres sont muets. À la fin de chaque souffle, j’ai l’impression que l’on m’a saucissonné la cage thoracique dans du film plastique et que je viens de faire une série d’abdos ultra-costauds. « Continuez ! », m’encourage Lynn.Le fait de compter ainsi fatigue les poumons autant que quand tout le corps fournit un effort physique. Voilà pourquoi cet exercice était si pertinent pour les patients alités de Stough. Il s’agissait d’habituer le diaphragme à augmenter progressivement son amplitude, jusqu’à ce que la respiration profonde et tranquille devienne une seconde nature. « Continuez à bouger les lèvres ! ordonne Lynn. Sortez jusqu’à la dernière molécule d’air ! »Après quelques minutes de comptage, silencieux ou non, je m’arrête pour faire une pause. Mon diaphragme continue à pomper comme un gros piston au ralenti, irradiant du sang frais depuis le centre de mon corps. C’est la sensation engendrée par ce que Stough a appelé la « coordination respiratoire » : les systèmes respiratoires et circulatoires sont en équilibre, la quantité d’air qui entre est égale à celle qui sort, et notre corps peut remplir toutes ses fonctions essentielles avec un effort minimal.
Chapitre 4 - Souffler
Dans l’appartement de Lynn Martin, me voilà étendu sur le futon convertible, en train de réveiller mon diaphragme assoupi. « Ce n’est pas un massage », me prévient-elle. Joignant le geste à la parole, elle appuie la main sur mes côtes. Je respire à longs traits, jusque dans l’abdomen, pendant qu’elle m’aide à détendre ma cage thoracique. Le but est que j’arrive à utiliser au moins 50 % de l’amplitude maximale de mon diaphragme à chaque inspiration et expiration.
Chapitre 4 - Souffler
Stough s’attend à ce que ces athlètes de haut niveau aient des habitudes respiratoires exemplaires. Au contraire, il s’aperçoit qu’ils souffrent de la même « faiblesse respiratoire » que n’importe qui : ils n’attrapent pas moins de rhumes, de grippes ni de pneumonies. La plupart respirent bien trop souvent, trop haut dans la poitrine. Les sprinteurs sont les pires. Les courtes et violentes inspirations qu’ils prennent pendant les courses exercent une pression bien trop forte sur leurs bronches et autres tissus fragiles. En conséquence, ils souffrent d’asthme et de toutes sortes de soucis respiratoires. Il leur arrive de vomir sur la ligne d’arrivée, puis de s’écrouler de douleur, avec une respiration aussi bruyante que celle de Dark Vador.« J’avais observé que, pendant leurs périodes de récupération, les athlètes avaient tendance à adopter un schéma respiratoire semblable à ceux des malades d’emphysème », écrit Stough. On leur avait appris à ignorer le signal d’alarme de la douleur, et ils ne savaient pas faire autrement. Certes, ils gagnaient des compétitions, mais ils endommageaient leur corps.
Chapitre 4 - Souffler
Stough installe une table au milieu du stade couvert de Yale. L’un après l’autre, les coureurs s’y asseyent sous le regard de leurs camarades, pendant que Stough passe la main sur leur torse. Il leur dit de veiller à ne jamais retenir leur souffle au moment de s’installer dans les starting-blocks ; au contraire, ils doivent respirer profondément et calmement, et toujours expirer sur la détonation du pistolet de départ. Ainsi, la première inspiration qu’ils prendront pendant la course sera pleine, riche, leur offrant toute l’énergie nécessaire pour courir plus vite et plus longtemps.Au bout de quelques séances seulement, tous les coureurs déclarent qu’ils se sentent mieux et respirent plus efficacement. « Je ne me suis jamais senti aussi détendu de toute ma vie », affirme même un sprinteur. Il leur faut maintenant deux fois moins de temps pour récupérer entre les courses. Bientôt, chacun d’eux bat ses records personnels, et plusieurs se rapprochent des records du monde.
Chapitre 5 - Lentement
Olsson affirmait que nous avions cent fois plus de CO2 que d’oxygène dans le corps (ce qui est vrai), et que la plupart d’entre nous en auraient besoin d’encore plus (vrai aussi). Il disait que ce n’était pas seulement l’oxygène, mais une quantité astronomique de CO2 qui avait permis l’explosion de la vie au Cambrien, il y a quelque 500 millions d’années. Selon lui, augmenter la proportion de ce gaz toxique dans notre corps permettrait d’affûter notre esprit, de brûler les graisses et même de guérir certaines maladies.Au bout d’un moment, j’ai commencé à craindre qu’Olsson ne soit complètement cinglé, ou au moins enclin à l’exagération, et que ces heures passées à discuter avec lui n’aient été qu’une perte de temps. Le dioxyde de carbone est tout de même un déchet, un sous-produit du métabolisme… C’est le truc qui émane des centrales à charbon et des fruits en décomposition. Dans un cours de boxe auquel je participais autrefois, le coach nous répétait de « respirer à fond pour faire sortir tout ce CO2 ».
Chapitre 5 - Lentement
Le CO2 tue ! Olsson maintenait le contraire. Selon lui, le CO2 peut se révéler bénéfique, et il me mettait en garde : un excès d’oxygène dans le sang fait plus de mal que de bien. « Respirer fort, vite et à fond, c’est le pire conseil qu’on puisse te donner », me disait-il… parce que cela fait baisser notre taux de CO2.
Chapitre 5 - Lentement
« Jusqu’au XVIIe siècle, la plupart des grands médecins et des anatomistes s’intéressaient aux muscles respiratoires et à la mécanique du souffle. Depuis, ces muscles sont de plus en plus négligés, laissés pour compte dans un no man’s land entre anatomie et physiologie. »
Chapitre 5 - Lentement
Ce que ces médecins avaient trouvé — et qu’Olsson découvrirait un demi-siècle plus tard —, c’est que la meilleure façon de prévenir nombre de problèmes de santé chroniques, d’améliorer les performances athlétiques et d’allonger la durée de vie, c’était de se concentrer sur la manière dont on respire, pour équilibrer les taux d’oxygène et de CO2 dans le sang. Pour y parvenir, il faut apprendre à inspirer et à expirer lentement.
Chapitre 5 - Lentement
Comment le fait d’inspirer moins d’air, et donc d’avoir plus de CO2 dans le sang, pourrait-il augmenter l’oxygène dans nos tissus et nos organes ? En faire moins pour obtenir plus, vraiment ? Pour comprendre ce paradoxe, il faut dépasser le nez et la bouche. Ces structures ne sont en effet que le point de départ du long voyage du souffle.
Chapitre 5 - Lentement
Votre corps, comme celui de tous les humains, est essentiellement un ensemble de tubes. Il y en a de gros, comme la gorge et les sinus, et puis de tout fins, tels les capillaires. Les tubes qui constituent les tissus des poumons sont très petits, et nous en avons beaucoup.
Chapitre 5 - Lentement
À chaque inspiration, l’air doit d’abord passer dans votre gorge, puis emprunter une bifurcation, la carène trachéale, qui mène aux poumons droit et gauche. Plus loin, l’air pénètre dans les bronchioles, des tubes plus petits, puis se retrouve dans un cul-de-sac, ou plutôt 500 millions de petits bulbes, les alvéoles.
Chapitre 5 - Lentement
Une fois dans les alvéoles, les molécules d’oxygène suivent à peu près le même chemin : chacune de ces petites « stations d’embarquement » est entourée par un fleuve de plasma plein de globules rouges. Quand ceux-ci passent à proximité, les molécules d’oxygène se glissent à travers la membrane des alvéoles et sautent à bord des globules. Le bateau de croisière cellulaire est plein de « cabines ». Dans vos globules rouges, ces cabines sont une protéine nommée hémoglobine. L’oxygène prend place dans l’hémoglobine, puis les globules poursuivent leur voyage.Quand le sang traverse des muscles ou d’autres tissus, l’oxygène débarque pour alimenter les cellules affamées, laissant place à d’autres passagers, à savoir le dioxyde de carbone, le sous-produit de notre métabolisme. Ce CO2 s’entasse à son tour à bord des globules, et le bateau entreprend son voyage de retour vers les poumons
Chapitre 5 - Lentement
Enfin, le bateau termine son circuit et revient aux poumons, où le CO2 ressort du corps en passant par les alvéoles, la gorge, puis le nez et la bouche : c’est l’expiration. À l’inspiration suivante, un nouvel arrivage d’oxygène embarque, et tout le processus recommence.
Chapitre 5 - Lentement
Une fois l’oxygène parti, le sang est plus sombre, c’est pourquoi, contrairement à nos artères, nos veines paraissent bleues (elles sont en fait rouge foncé).
Chapitre 5 - Lentement
Ce que moins de gens reconnaissent, c’est le rôle que joue le dioxyde de carbone dans la perte de poids. En effet, le CO2 représente une masse, et l’air que nous expirons est plus lourd que celui que nous inspirons. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, ce n’est pas le fait de transpirer abondamment qui fait maigrir, pas plus que nous ne « brûlons » réellement les graisses. Nous perdons du poids en expirant du CO2.
Chapitre 5 - Lentement
Quand nous perdons 10 kilos de graisse corporelle (composée, comme tout notre corps, d’atomes de carbone), 8,5 d’entre eux s’échappent par les poumons à l’issue du processus métabolique ; la masse perdue est faite essentiellement de dioxyde de carbone mélangé à un peu de vapeur d’eau. Le reste, c’est de l’eau, évacuée liquide sous forme de sueur et d’urine. Les poumons sont le système régulateur de notre poids, un fait qui est trop peu pris en compte par la plupart des médecins, nutritionnistes et autres professionnels de santé.
Chapitre 5 - Lentement
Ce que notre corps veut vraiment, ce dont il a besoin pour fonctionner comme il faut, ce n’est pas une respiration plus rapide ou plus profonde, ce n’est pas plus d’air, c’est plus de CO2 !
Chapitre 5 - Lentement
Chaque cellule saine de notre corps carbure à l’oxygène, délivré de cette façon.
Chapitre 5 - Lentement
quand l’oxygène pénétrait dans une cellule, du dioxyde de carbone en sortait. Ce qu’il ne savait pas exactement, c’est pourquoi cet échange a lieu. Pourquoi certaines cellules absorbent-elles l’oxygène plus facilement que d’autres ? Qu’est-ce qui pousse des milliards de molécules d’hémoglobine à relâcher de l’oxygène pile au bon endroit et au bon moment ? Comment fonctionne réellement la respiration ?
Chapitre 5 - Lentement
Cette découverte expliquait pourquoi certains muscles à l’œuvre pendant un effort physique reçoivent plus d’oxygène que les muscles moins utilisés : ils produisent davantage de dioxyde de carbone, ce qui attire davantage de dioxygène. À l’échelle moléculaire, l’offre s’adapte à la demande. Le dioxyde de carbone a en outre un effet vasodilatateur : il ouvre les vaisseaux sanguins, de sorte qu’ils peuvent apporter encore plus de sang riche en oxygène aux cellules affamées.
Chapitre 5 - Lentement
on parle depuis de l’effet Bohr pour désigner ce rôle du CO2
Chapitre 5 - Lentement
, il était convaincu que le dioxyde de carbone était aussi essentiel au corps qu’une vitamine.
Chapitre 5 - Lentement
« Bien que les cliniciens peinent à le croire, l’oxygène n’a rien d’un stimulant pour les êtres vivants, écrit Henderson dans The Cyclopedia of Medicine. Si on alimente un feu en oxygène pur plutôt qu’en air, il brûle avec une intensité considérablement plus élevée. Mais quand un homme ou un animal respire de l’oxygène, ou [de l’air] enrichi en oxygène, il ne consomme pas plus de ce gaz, ne produit pas de chaleur supplémentaire et n’expire pas plus de dioxyde de carbone que s’il n’inspirait que de l’air. »
Chapitre 5 - Lentement
Ainsi, l’hyperventilation ou l’inhalation d’oxygène pur n’apporterait aucun bénéfice à un corps en bonne santé, elle n’aurait aucun effet sur l’approvisionnement en oxygène de nos tissus et organes. Elle serait même susceptible de créer un déficit en oxygène, et donc une relative suffocation. Autrement dit, l’oxygène pur que les joueurs de football américain inhalent parfois à l’aide d’un masque sur le banc de touche, ou celui que le voyageur en proie au décalage horaire peut se procurer au « bar à oxygène » de l’aéroport moyennant 50 dollars, ne sert en fait à rien. Il sera rejeté tel quel à l’expiration1.
Chapitre 5 - Lentement
Henderson força les chiens à respirer juste un tout petit peu plus que nécessaire pour leur métabolisme, de sorte que leur fréquence cardiaque était un peu haute et leur taux de CO2 un peu bas. Cet état de légère hyperventilation est courant chez les êtres humains. Les chiens adoptèrent alors un comportement agité et anxieux, leurs yeux devinrent vitreux. La légère hyperventilation entraînait le même état de confusion que peuvent provoquer le mal de l’altitude ou une crise de panique. Henderson administra aux animaux de la morphine et d’autres médicaments afin de ramener leur cœur à une fréquence plus proche de la normale. Ces drogues firent effet parce que, ainsi que le nota Henderson, elles aidèrent à faire remonter le taux de CO2 dans le sang des chiens.
Chapitre 5 - Lentement
Il existait cependant une autre façon de ramener les animaux à la santé : les faire respirer lentement. Chaque fois que Henderson abaissait la fréquence respiratoire jusqu’à la faire coïncider avec le métabolisme normal des chiens (en repassant de 200 à 40 cycles par minute, voire à 30), les spasmes et l’état de stupeur et d’anxiété se dissipaient. Les animaux s’étiraient, leurs muscles se détendaient et ils semblaient baignés dans une vague de tranquillité.
Chapitre 5 - Lentement
« Le dioxyde de carbone est l’hormone [sic] principale du corps ; c’est la seule qui est émise par tous les tissus et qui agit probablement sur tous les organes, écrivit Henderson par la suite. Le dioxyde de carbone est, en fait un composant plus fondamental de la matière vivante que ne l’est l’oxygène. »
Chapitre 5 - Lentement
Trois, deux, un… il se met à respirer, mais lentement, très lentement. Pendant quelques minutes, il inspire et expire trois fois moins fréquemment que ne le font en moyenne les Américains : 6 respirations par minute au lieu de 18. Alors qu’il inhale l’air par le nez comme on hume un parfum et qu’il souffle doucement par la bouche, son taux de CO2 passe de 5 à 6 %, et il continue à monter. Bientôt, il a augmenté de 25 %, ce qui permet à Olsson de sortir de l’hypocapnie (manque de CO2) pour revenir à la normale. Pendant ce temps, sa tension a baissé de 5 points et son pouls est descendu à 65.Ce qui n’a pas changé, c’est son taux d’oxygène. Bien qu’il respire à une fréquence trois fois inférieure à ce qui est considéré comme la normale, son taux d’oxygène est toujours de 97 %.
Chapitre 5 - Lentement
Il se trouve que, quand nous respirons à une fréquence normale, nos poumons n’absorbent qu’un quart de l’oxygène disponible dans l’air. Nous rejetons directement les 75 % restant. En respirant plus lentement, nous permettons à nos poumons d’absorber plus en respirant moins.
Chapitre 5 - Lentement
« Si, à force d’entraînement et de patience, vous arrivez à produire le même effort en 14 souffles par minute au lieu de 47 grâce à certaines techniques, pourquoi ne pas le faire ? écrivait John Douillard (l’entraîneur qui avait mené des expériences sur les vélos stationnaires dans les années 1990). Quand vous vous verrez courir plus vite de jour en jour pour un rythme respiratoire constant, vous commencerez à ressentir pleinement le sens du mot “fitness”.2 »
Chapitre 5 - Lentement
J’ai alors compris que la respiration est un peu comme l’aviron : en donnant une multitude de petits coups de rame, vous finirez par arriver où vous voulez, mais vous gagnerez en vitesse et en efficacité si vous donnez des coups de rame plus longs, quoique moins nombreux.
Chapitre 5 - Lentement
Pendant cette dernière course immobile, j’ai commencé à jouer avec ma respiration. J’ai essayé d’inspirer et d’expirer de plus en plus lentement : de 20 souffles par minute (ma fréquence habituelle quand je fais du sport), je suis descendu à 6. J’ai immédiatement ressenti une impression de claustrophobie et le besoin de me gaver d’air. J’ai attendu 1 minute, puis j’ai jeté un coup d’œil à l’oxymètre pour voir de combien d’oxygène mon corps asphyxié avait besoin. Contre toute attente, mon taux d’oxygène n’avait pas diminué avec cette respiration extrêmement lente… il avait augmenté.
Chapitre 5 - Lentement
Le deuxième jour où j’ai utilisé cette respiration nasale ralentie, j’ai battu de 200 mètres mon record de « distance » en respiration buccale. Lors de la session suivante, j’ai parcouru 579 mètres de plus, soit une augmentation de 5 % par rapport à la respiration par la bouche. Lors de la cinquième séance, j’ai pédalé l’équivalent de 12,4 km, soit 1,5 km de plus que la semaine précédente pour la même durée, avec la même dépense énergétique.
Chapitre 5 - Lentement
également sous un autre nom : la prière. Quand les moines bouddhistes psalmodient leur mantra le plus connu, om mani padme hum, chaque phrase chantée dure 6 secondes, et ils ont 6 secondes pour reprendre leur souffle avant de recommencer. Dans le jaïnisme, ainsi que dans d’autres traditions, on met 6 secondes pour chanter om, le « son sacré de l’univers », et on marque une pause de 6 secondes pour inspirer.Le sa ta na ma, l’une des techniques les plus populaires du yoga kundalini (sur chaque syllabe, on stimule un doigt avec le pouce de la même main), comprend également 6 secondes de vocalisation, suivies de 6 secondes d’inspiration.
Chapitre 5 - Lentement
les mudras de l’Inde ancienne sont des postures des mains ou de la langue. Ainsi, le khechari est un mudra (posture) de la langue qui consiste à la retourner vers l’arrière et à la placer sur le palais mou, de façon qu’elle pointe en direction de la cavité nasale. Le but est de favoriser la santé mentale et spirituelle, et de vaincre la maladie. Les respirations longues et profondes que l’on doit prendre pendant le khechari durent 6 secondes. Au Japon, en Afrique, à Hawaii, chez les peuples autochtones d’Amérique, les bouddhistes, les taoïstes ou les chrétiens, dans toutes ces cultures et religions, on retrouve les mêmes techniques de prière nécessitant les mêmes schémas respiratoires, et procurant sans aucun doute le même effet apaisant sur ceux qui les pratiquent.
Chapitre 5 - Lentement
En 2001, des chercheurs de l’université de Pavie, en Italie, ont rassemblé 24 volontaires et les ont couverts de capteurs pour mesurer leur tension, leur fréquence cardiaque et leur VFC (cette mesure qui sert à évaluer l’équilibre du système nerveux : une grande variabilité est synonyme de résilience du système nerveux). Ensuite, ils leur ont fait réciter un mantra bouddhiste ainsi que le chapelet catholique en latin, où le prêtre et la congrégation se répondent. À leur grande surprise, le nombre moyen de cycles respiratoires pour chaque dizaine d’Ave Maria était « presque exactement » identique… Une fréquence imperceptiblement plus rapide que celle des prières hindoues, taoïstes et amérindiennes : 5,5 souffles par minute.
Chapitre 5 - Lentement
. À chaque fois qu’ils adoptaient ce rythme ralenti, le sang affluait vers leur cerveau, et les trois systèmes mesurés (respiratoire, cardiaque, nerveux) entraient dans un état de cohérence, et donc d’efficacité optimale. Dès que les cobayes se remettaient à parler ou à respirer normalement, leur cœur battait de façon un peu moins régulière, et l’harmonie de ces trois systèmes s’effondrait. Pour la retrouver, il leur suffisait de quelques respirations lentes et détendues.
Chapitre 5 - Lentement
deux éminents professeurs en médecine new-yorkais, Patricia Gerbarg et Richard Brown, proposèrent le même schéma respiratoire à des patients souffrant d’anxiété et de dépression, cette fois sans parler de prière. Certains de ces patients ayant du mal à ralentir leur souffle, Gerbarg et Brown leur recommandèrent de commencer par un rythme plus facile : 3 secondes à l’inspiration, et autant à l’expiration. Progressivement, ils réussirent à augmenter ce temps. Le rythme respiratoire le plus efficace se révéla être d’une vertigineuse symétrie : inspiration de 5,5 secondes, suivie d’une expiration de 5,5 secondes… ce qui revient presque exactement à 5,5 souffles par minute. Le même rythme que le chapelet.
Chapitre 5 - Lentement
Dès 5 à 10 minutes d’exercice par jour, les résultats étaient probants. « J’ai vu certains patients se transformer complètement grâce à une pratique régulière de ces techniques respiratoires », relate Brown. Gerbarg et lui ont eu recours à la respiration lente pour soigner les survivants de l’attaque du 11-Septembre qui souffraient de ground-glass lungs3, une affreuse toux chronique provoquée par les particules de matériaux de construction et autres débris carbonisés. On ne connaissait alors pas de traitement contre cette inflammation très douloureuse. Pourtant, après deux mois à pratiquer simplement quelques cycles de respiration lente dans la journée, les patients constatèrent une amélioration significative.
Chapitre 5 - Lentement
Gerbarg et Brown publièrent plusieurs livres et articles scientifiques sur le pouvoir réparateur de la respiration lente, connue en anglais sous le nom de resonant breathing ou coherent breathing. En français, la technique a été popularisée en tant que « cohérence cardiaque ». La cohérence cardiaque requiert très peu de temps, d’effort ou de capacité de concentration. On peut la pratiquer n’importe où, n’importe quand. « C’est d’une discrétion absolue, écrit Gerbarg. Personne ne remarquera que vous êtes en train de la pratiquer. »
Chapitre 5 - Lentement
À bien des égards, la cohérence cardiaque offre les mêmes bénéfices que la méditation aux personnes qui ne souhaitent pas méditer, ou que le yoga à celles qui ne veulent pas quitter leur canapé. L’apaisement de la prière, sans la dimension religieuse !
Chapitre 5 - Lentement
« Nous pensons que le chapelet a évolué jusqu’à coïncider avec certaines oscillations rythmiques de la pression artérielle (ondes de Mayers), ce qui procure un sentiment de bien-être et rend le pratiquant potentiellement plus réceptif au message religieux », notent les chercheurs de Pavie. En d’autres termes, les méditations, les Ave Maria et quantité d’autres prières produites par les différentes traditions du monde au cours des derniers millénaires ne sont pas complètement fortuits ni dénués d’effets.La prière est un outil de guérison… surtout quand on la pratique au rythme de 5,5 souffles par minute.
Chapitre 5 - Lentement
1. Il y a une centaine d’années, Henderson s’est aperçu que l’oxygène pur n’est vraiment utile que pour fournir un effort en altitude (où le taux d’oxygène est plus faible) ou pour les personnes si malades qu’elles ne peuvent maintenir un taux suffisant de saturation en oxygène (aux alentours de 90 %) en respirant normalement. Mais, même pour les patients très atteints, la supplémentation prolongée en oxygène risque à terme d’endommager les poumons et de diminuer le taux d’hémoglobine, de sorte que le corps aura ensuite plus de mal à extraire l’oxygène de l’air inspiré.
Chapitre 6 - Moins
une synthèse des études disponibles fournit un tableau peu rassurant1.Les valeurs considérées comme normales à l’heure actuelle sont comprises entre 12 et 20 cycles par minute, avec environ 0,5 litre d’air par souffle ; il y a quarante ans, les valeurs normales étaient comprises entre 8 et 10 cycles par minute. Le haut de la fourchette a doublé !S’il y a bien une chose sur laquelle tous les pneumonautes (médecins ou autodidactes) que j’ai interrogés ces dernières années sont tombés d’accord, c’est le fait que, tout comme nous appartenons à une culture de suralimentation, nous sommes aussi une culture de surrespiration
Chapitre 6 - Moins
un quart de la population moderne souffre d’hyperventilation chronique plus sévère.Le traitement paraît simple : respirer moins. Mais c’est plus difficile que ça n’en a l’air. Nous avons pris l’habitude de trop respirer, comme de trop manger. Au prix de quelques efforts et d’un peu d’entraînement, cependant, respirer moins peut devenir un réflexe.
Chapitre 6 - Moins
. En temps normal, nous devons respirer de façon à répondre au plus près aux besoins de notre organisme, mais il affirme que le fait de demander, occasionnellement, à notre corps de respirer beaucoup moins apporte des bienfaits aussi puissants que le jeûne. Parfois, cela s’accompagne d’un état d’euphorie.
Chapitre 6 - Moins
Les sentiers étant en terre battue, nous ne nous ouvrirons pas le crâne si nous tombons dans les pommes, ce qui, me prévient Olsson, est un effet secondaire rare mais avéré de l’expérience de respiration hyper-réduite que nous nous apprêtons à tenter.Olsson prétend que ses clients et lui ont constaté des améliorations spectaculaires de leur endurance et de leur bien-être au bout de quelques semaines d’entraînement. Toutefois, j’ai entendu beaucoup d’autres personnes dire que c’est une pratique abominable, qui déclenche des maux de tête affreux, pas du tout « agréables ». Selon eux, il ne faut pas se lancer là-dedans en amateur.
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nous nous mettons à courir.Je déteste le jogging. Contrairement à d’autres sports, surtout les sports aquatiques tels que le surf ou la natation, chaque seconde me semble interminablement pénible quand je cours. Je n’ai jamais atteint cette fameuse ivresse de l’effort, bien que je me sois forcé à parcourir 6 kilomètres tous les deux jours il y a quelques années. Les bénéfices du jogging étaient évidents : je me sentais toujours super bien, après coup. Mais pendant, c’était un calvaire.Olsson entend me faire changer d’avis. Il pratique le jogging depuis des lustres et a entraîné des dizaines de coureurs. « Le secret, c’est de trouver le rythme qui te convient, me dit-il alors que nous nous élançons dans le sous-bois. Il faut que tu te mettes au défi, mais sans dépasser tes limites. »
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« Pour t’échauffer, je veux que tu commences par allonger tes expirations », me demande Olsson. Il m’a décrit toute la séance avant de partir, je sais donc à quoi m’attendre. Chacune de nos inspirations doit durer environ 3 secondes, et chaque expiration, 4 secondes. Ensuite, nous continuerons à pratiquer les mêmes brèves inspirations, mais nous allongerons les expirations : 5 secondes, puis 6 et enfin 7.Des expirations plus longues, plus lentes, entraînent évidemment un taux plus élevé de dioxyde de carbone. Ce supplément de CO2 permet de gagner en endurance aérobie
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La mesure de la consommation maximale d’oxygène, ou VO2max, est le meilleur indicateur de votre forme cardio-respiratoire, or le fait d’entraîner le corps à respirer moins augmente la VO2max, ce qui nous aide à gagner en endurance, mais aussi à vivre plus longtemps et en meilleure santé.
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On raconte qu’un soir d’octobre, Buteyko regardait le sombre ciel d’automne par une fenêtre de l’hôpital, quand son attention se tourna vers son reflet sur la vitre, le visage pâle et hagard d’un homme qui respirait lourdement par la bouche. Son regard descendit vers sa blouse blanche, ses épaules et sa poitrine, qui s’abaissaient et se soulevaient péniblement à chaque souffle. Le même schéma respiratoire que ses patients en stade terminal. Bien qu’il n’ait pas fourni d’effort physique, il respirait comme s’il venait de courir un marathon.Il tenta alors une expérience. Il se mit à respirer moins, à détendre son thorax et son abdomen, et à inspirer par le nez à petites goulées. Quelques minutes plus tard, les douleurs lancinantes dans sa tête, son ventre et son cœur avaient disparu. Buteyko reprit sa respiration rapide et laborieuse, et la douleur revint au bout de cinq inspirations.
Chapitre 6 - Moins
Nous sommes en effet en train de pratiquer une version extrême des techniques que Buteyko appliquait sur lui-même, ainsi que sur ses patients asthmatiques. Nous limitons nos inspirations et étirons nos expirations à un point tel que, si nous n’y prenons pas garde, nous risquons la syncope. Nous suons comme des bœufs, avons le teint rubicond, et je sens que les veines de mon cou sont gonflées à bloc. Je ne suis pas hors d’haleine, mais pas tout à fait à l’aise non plus. Même quand j’inspire un tout petit peu plus d’air, c’est comme si on m’étranglait légèrement.Le but de l’exercice n’est pas de nous faire souffrir, mais au contraire de trouver un certain confort malgré un taux de CO2 plus élevé, afin de parvenir à respirer moins pendant nos périodes de repos, ainsi que lors de notre séance de jogging suivante. Ainsi, nous libérerons plus d’oxygène, augmenterons notre endurance et assurerons l’optimisation de toutes nos fonctions biologiques.« Essaie d’allonger encore un peu l’expiration, m’encourage Olsson. Fais-la durer le double de l’inspiration. Le triple, si tu peux. » Je crois que je vais vomir…« Oui ! poursuit mon mentor. Encore plus lentement, encore, moins ! »
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volontaires se présentèrent au laboratoire de Buteyko. Les patients atteints d’asthme, d’hypertension ou autre respiraient tous de la même façon : trop. Souvent, ils inspiraient et expiraient par la bouche, absorbant jusqu’à 15 litres d’air par minute. Les examens révélaient que leur sang était plein d’oxygène, mais que leur taux de CO2 dépassait rarement les 4 %. Leur fréquence cardiaque au repos atteignait parfois les 90 battements par minute (bpm).Parallèlement, les patients bien portants partageaient eux aussi une caractéristique : ils respiraient moins. Ils inspiraient et expiraient environ 10 fois par minute, absorbant 5 à 6 litres d’air par minute tout au plus. Leur pouls au repos allait de 48 à 55 bpm, et l’air qu’ils expiraient contenait 50 % de CO2 en plus.
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Buteyko établit un protocole basé sur les habitudes respiratoires de ces patients mieux portants, qu’il nommerait plus tard « élimination volontaire de la respiration profonde ». Ce protocole comprenait des techniques très variées, mais le but de chacune d’entre elles restait d’entraîner le patient à respirer au plus près de ses besoins métaboliques, ce qui impliquait presque toujours d’inspirer moins d’air. Buteyko estimait que le nombre de souffles par minute importait moins, du moment que l’on n’inspirait pas plus de 6 litres par minute au repos.
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Au bout de quelques séances, les patients ont dit ressentir une chaleur et un fourmillement dans les mains et les orteils. Leur fréquence cardiaque s’était ralentie et stabilisée. L’hypertension et les migraines qui plombaient la vie de tant d’entre eux avaient commencé à disparaître. Ceux qui étaient en bonne santé se sentaient encore mieux, et les athlètes ont signalé une amélioration importante de leurs performances.
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Zátopek commença à prendre le sport au sérieux. Quatre ans plus tard, il battait le record tchèque du 2 000 mètres, du 3 000 mètres et du 5 000 mètres.Pour en arriver là, il avait mis au point un programme d’entraînement bien particulier. Il courait aussi vite que possible en retenant son souffle, puis s’accordait un bref répit et quelques bouffées d’air, avant de recommencer. La version sportive de la méthode de Buteyko… si ce n’est que Zátopek ne parlait pas d’élimination volontaire de la respiration profonde. Sa technique serait connue plus tard sous le nom d’entraînement en hypoventilation.
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On ne peut pas dire que l’hypoventilation ait connu un grand succès à la suite des exploits de Zátopek. Son visage torturé, yeux mi-clos et mâchoires déformées par la souffrance, tel Jésus peint par Matthias Grünewald, est resté comme sa marque de fabrique au moment de franchir la ligne d’arrivée. Ces pratiques étaient visiblement inhumaines, et peu d’athlètes avaient envie de s’y risquer.
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entraîneur de natation américain du nom de James Counsilman les redécouvrit. Counsilman était tristement célèbre pour ses techniques hardcore « basées sur la souffrance », parmi lesquelles l’hypoventilation trouvait toute sa place. En compétition, les nageurs effectuent en général deux ou trois mouvements de crawl avant de tourner la tête pour respirer. Counsilman entraîna les membres de son équipe à retenir leur souffle jusqu’à neuf mouvements de suite. Il pensait que les nageurs utiliseraient l’oxygène plus efficacement et nageraient plus vite au fil du temps. La version aquatique des principes de Buteyko et de Zátopek… Counsilman s’en servit pour entraîner l’équipe américaine masculine de natation aux Jeux olympiques de Montréal. Ses nageurs remportèrent treize médailles d’or, quatorze d’argent et sept de bronze, et ils battirent onze records du monde. Ce fut la plus belle performance d’une équipe de natation américaine dans l’histoire des Jeux.
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L’entraînement en hypoventilation retomba dans l’oubli après que plusieurs études, publiées dans les années 1980 et 1990, affirmèrent qu’il n’avait pas ou que peu d’effet sur les performances ou l’endurance. Selon les chercheurs, le gain de ces athlètes devait être mis au compte d’un puissant effet placebo. Au début des années 2000, le Dr Xavier Woorons, un physiologiste de l’université Paris-XIII, découvrit une faille dans ces études. Les scientifiques qui avaient critiqué les méthodes respiratoires n’avaient pas mesuré les bonnes données. Ils avaient observé les athlètes alors qu’ils retenaient leur souffle… les poumons pleins. Par conséquent, il leur était très difficile d’entrer en hypoventilation.
Chapitre 6 - Moins
Respirer beaucoup moins offre les mêmes bénéfices qu’un entraînement à 2 000 mètres d’altitude, mais on peut le faire partout.
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Woorons répéta les tests, mais cette fois en faisant pratiquer aux patients la technique du « à moitié plein », celle qu’appliquait Buteyko, et que Counsilman imposait probablement à ses nageurs. Respirer moins présentait des avantages considérables. Si les athlètes s’y tenaient pendant plusieurs semaines, leurs muscles s’adaptaient, supportant une accumulation plus importante d’acide lactique. Leur corps étant capable de produire plus d’énergie dans un état de stress anaérobie, ils pouvaient s’entraîner plus intensément et plus longtemps.
Chapitre 6 - Moins
D’autres études rapportent que l’entraînement en hypoventilation augmente la production de globules rouges, ce qui permet aux athlètes de transporter plus d’oxygène et de développer plus d’énergie
Chapitre 6 - Moins
rapidement et en expirant très lentement, sur 7 secondes, voire plus, en essayant de garder les poumons à moitié pleins.
Chapitre 6 - Moins
« Tu dois trouver le rythme qui fonctionne pour toi », me répète Olsson
Chapitre 6 - Moins
Pour le moment, le rythme ne fonctionne pas du tout ! Je reviens à un schéma plus accessible : j’inspire sur deux temps et j’expire sur cinq. Les cyclistes de compétition utilisent le même rythme
Chapitre 6 - Moins
C’est à ce moment que le truc me tombe dessus : j’ai chaud dans la nuque, ma vision se pixélise. Je continue à trottiner en expirant lentement, mais, en même temps, c’est comme si je plongeais la tête la première dans un liquide chaud et épais. Je cours un peu plus vite, respire un peu moins : un sirop brûlant me dégouline dans les bras, les jambes, jusqu’au bout des doigts et des orteils. C’est délicieux. La chaleur remonte, me caresse le visage et m’enveloppe le sommet du crâne.Ce doit être le bon mal de tête dont parlait Olsson, provoqué par l’augmentation du dioxyde de carbone qui déloge l’oxygène de l’hémoglobine pour alimenter mes cellules affamées, par la dilatation de mes vaisseaux sanguins, dans mon cerveau et dans tout mon corps, tellement gorgés de sang frais que mon système nerveux me signale une espèce de douleur sourde mais très douce.
Chapitre 6 - Moins
un entraînement aussi extrême ne peut être utile qu’à quelqu’un qui accepte d’endurer des heures de souffrance et de sueur.Une respiration saine ne devrait pas nécessiter de tels efforts. Buteyko le savait bien, qui ne prescrivait jamais de méthode aussi brutale à ses patients. Après tout, il ne cherchait pas à entraîner des athlètes.
Chapitre 6 - Moins
Que ce soit au repos ou pendant un effort, les asthmatiques tendent à respirer plus (parfois beaucoup plus) que les sujets sains. Dès qu’une crise se déclenche, c’est un cercle vicieux. L’air est emprisonné dans les poumons et les voies respiratoires se resserrent. Plus le patient respire, plus il a l’impression de manquer d’air, ce qui entraîne encore plus de constriction, de panique et de stress.
Chapitre 6 - Moins
Une étude menée au Mater Hospital de Brisbane, en Australie, a montré que, quand les patients asthmatiques divisaient leur apport en air par trois, les symptômes d’essoufflement diminuaient de 70 %, et que le besoin de recourir à des médicaments chutait d’environ 90 %.
Chapitre 6 - Moins
À ce jour, personne ne semble savoir exactement pourquoi respirer moins est si efficace pour traiter l’asthme et d’autres problèmes respiratoires. Voici quelques hypothèses.« C’est le symptôme d’une déficience dans le corps », disait le Dr Ira Packman, interniste5 et ancien expert médical pour le département de Régulation des assurances de Pennsylvanie. Le Dr Packman avait lui-même vaincu son asthme en respirant moins. « Remplacez l’élément déficient, et le patient ira mieux », me dit-il.Packman explique que, au-delà des troubles de la fonction pulmonaire et des spasmes des voies respiratoires, l’hyperventilation provoque des effets plus profonds sur le corps dans son ensemble. Quand nous respirons trop, notre sang contient trop de CO2 et notre pH sanguin s’élève (il devient plus alcalin) ; quand nous respirons plus lentement et retenons davantage de CO2, le pH baisse et le sang devient plus acide. Presque toutes les fonctions cellulaires de notre corps ont lieu quand le pH sanguin est de 7,4 : c’est notre « point d’équilibre » entre l’acide et l’alcalin (on parle d’homéostasie).Quand nous nous éloignons de ce point, le corps met tout en œuvre pour y revenir. Nos reins, par exemple, jouent un rôle de tampon6 pour maintenir l’équilibre : ils réagissent à l’hyperventilation en rejetant des bicarbonates dans les urines, ce qui permet au pH sanguin de baisser pour revenir à l’homéostasie, même si le sujet continue à trop respirer.Le problème du système tampon, c’est que ce n’est qu’une rustine temporaire, pas une solution permanente. Si ce rééquilibrage permanent dû à l’hyperventilation se prolonge pendant des semaines, des mois ou des années, cet effet tampon assuré par les reins vide le corps de ses minéraux essentiels. En effet, quand le bicarbonate est éliminé, il entraîne avec lui le magnésium, le phosphore et le potassium, entre autres éléments essentiels. En l’absence d’une réserve suffisante de ces minéraux, rien ne va plus : les nerfs dysfonctionnent, les muscles lisses (c’est-à-dire les muscles involontaires, tels le myocarde ou les muscles du tube digestif) sont agités de spasmes, et les cellules ne sont plus en mesure d’assurer des conversions énergétiques de façon efficace. La respiration devient encore plus laborieuse. C’est l’une des raisons pour lesquelles on prescrit des compléments, tels que du magnésium, aux asthmatiques et aux malades d’autres affections respiratoires chroniques, afin de prévenir les crises.L’effet tampon affaiblit également les os, qui tentent de compenser en dissolvant leur stock de minéraux pour les renvoyer dans la circulation sanguine (oui, l’hyperventilation peut conduire à l’ostéoporose et augmenter le risque de fracture) ! Cette succession perpétuelle de déséquilibres et de compensations finit par épuiser le corps, par le mettre hors service.
Chapitre 6 - Moins
Packman s’empresse cependant de préciser que la carence en CO2 ne concerne pas toutes les personnes souffrant d’une maladie respiratoire. Celles qui sont atteintes d’emphysème, par exemple, risquent au contraire un taux de CO2 trop élevé, leurs poumons retenant trop d’air usagé
Chapitre 6 - Moins
Ce qu’il faut retenir, c’est que toutes ces personnes ont un problème respiratoire. Elles sont sujettes au stress, à des inflammations et à des congestions des voies aériennes, et elles ont de la difficulté à faire entrer et sortir l’air de leurs poumons. Or, les techniques de respiration réduite, ralentie, apaisée, sont d’une efficacité redoutable sur ces problèmes
Chapitre 6 - Moins
Leurs techniques étaient variées, mais toutes tournaient autour du même principe : prolonger le temps écoulé entre les inspirations et les expirations. Moins vous respirez, plus vous tirez les bénéfices de l’efficacité respiratoire… et plus vous économisez votre corps.
Chapitre 6 - Moins
Les mammifères dont le pouls au repos est le plus lent sont ceux qui vivent le plus longtemps, et la seule façon de maintenir un cœur lent au repos, c’est de respirer lentement.
Chapitre 6 - Moins
conclusion. Ils ont découvert que la quantité d’air optimale que nous devons absorber au repos est de 5,5 litres par minute. Le rythme respiratoire optimal est quant à lui d’environ 5,5 cycles par minute, ce qui représente une inspiration de 5,5 secondes suivie d’une expiration de 5,5 secondes. Telle est la respiration parfaite.Malades de l’asthme ou d’emphysème, athlètes olympiques, vous, moi… pratiquement n’importe qui peut tirer profit, pratiquement n’importe où, de cette respiration, ne serait-ce que quelques minutes par jour, et beaucoup plus si vous le pouvez. Il s’agit juste d’inspirer et d’expirer de façon à fournir à notre corps pile la bonne quantité d’air, pile au bon moment.Pour ça, il suffit de respirer moins.
Chapitre 7 - Mastication
Au premier chapitre de ce livre, j’expliquais pourquoi nous autres humains avons tant de mal à respirer et comment les processus de transformation des aliments, en particulier la cuisson, avaient fini par atrophier nos voies respiratoires
Chapitre 7 - Mastication
Il y a 12 000 ans, au Moyen-Orient et dans le Croissant fertile, les êtres humains se sont mis à cultiver leurs aliments. Ils ont cessé de se nourrir exclusivement du produit de la cueillette et de la chasse, ce qu’ils faisaient depuis des centaines de milliers d’années. C’est au sein de ces premières communautés agricoles que les humains ont commencé à souffrir, en nombre significatif, de problèmes d’encombrement dentaire.Au début, ça n’était pas trop grave. Si telle civilisation agricole souffrait de déformations de la bouche et de la face, telle autre, à quelques centaines de kilomètres de là, semblait complètement épargnée. Les dents de guingois et leur cortège de problèmes respiratoires semblaient frapper de manière totalement aléatoire.Et puis, il y a environ 300 ans, ces pathologies se sont répandues massivement à l’échelle de la planète. Partout, au même moment, une grande partie de la population mondiale a été touchée. Les bouches ont rétréci, les visages se sont aplatis et les sinus se sont bouchés. Nos ancêtres avaient pourtant réussi à s’accommoder des évolutions morphologiques progressives que leur crâne avait connues jusque-là (abaissement du larynx qui obstrue la gorge, expansion du cerveau qui allonge la face). Tout cela était dérisoire.Les bouleversements entraînés par la rapide industrialisation de l’alimentation dès le milieu du XVIIIe siècle furent lourds de conséquences. En quelques générations, les humains modernes sont devenus les pires respirateurs de l’histoire du genre Homo, les pires respirateurs du règne animal !
Chapitre 7 - Mastication
Quand j’ai pris connaissance de cette réalité, il y a quelques années, ce fut un choc pour moi. Pourquoi personne ne m’en avait-il parlé à l’école ? Pourquoi les spécialistes du sommeil, les dentistes et les pneumologues que j’avais interviewés ignoraient-ils cette histoire ? Parce que — ainsi que je l’ai découvert — ces recherches ne se déroulaient pas dans les facultés de médecine. Elles avaient lieu sur d’anciens sites funéraires. Les anthropologues qui étudiaient ces vestiges m’ont expliqué que, si je voulais vraiment saisir comment un changement aussi dramatique était survenu, je devais sortir des laboratoires et me rendre sur le terrain. Il fallait que je voie de mes propres yeux quelques-uns des « patients zéro » de l’obstruction nasale moderne. Il fallait que je manipule des crânes anciens, en grande quantité.
Chapitre 7 - Mastication
Vers l’an 1500, l’agriculture, qui a vu le jour dans le Croissant fertile 10 000 ans plus tôt, se répand un peu partout sur le globe. Entre-temps, la population mondiale a été multipliée par cent, atteignant les 500 millions de personnes. Pour les habitants des centres urbains, la vie n’est pas drôle : les déchets s’écoulent au milieu des rues, et les feux de bois, de tourbe ou de charbon obscurcissent l’air. Les cours d’eau et les lacs proches des villes sont souillés par le sang, les graisses et les acides déversés par les artisans et les premières manufactures.Dans ces sociétés urbaines, les gens peuvent se nourrir toute leur vie durant d’aliments achetés tout prêts à l’échoppe, à la taverne ou à la boulangerie du coin : rien de frais, rien de cru, rien de naturel. C’est le cas pour des millions de personnes. Au cours des siècles suivants, les aliments sont de plus en plus transformés. De nouvelles techniques de battage permettent d’éliminer le germe et le son du riz, ne laissant que le grain blanc, riche en amidon. Les moulins à meule sont progressivement remplacés par des moulins à rouleaux, bientôt équipés de moteurs à vapeur. Combinés à des blutoirs, ils éliminent le son et le germe du blé, ne laissant qu’une farine blanche et tendre. À la fin du XVIIIe siècle, Nicolas Appert invente la stérilisation. La viande, les fruits et les légumes sont mis en conserve dans des bocaux, puis des boîtes en fer-blanc. De nombreux produits deviennent ainsi accessibles toute l’année pour un large public, mais ces aliments surcuits prennent au passage une consistance molle et pâteuse. Le sucre, autrefois un produit de luxe, se démocratise.Ce nouveau régime ultra-transformé manque de fibres, mais aussi de minéraux, de vitamines et d’acides aminés essentiels. Est-ce pour cette raison que les habitants des villes sont de plus en plus malades, et de plus en plus petits ? Toujours est-il que, dans les années 1730, à la veille de l’industrialisation, un Britannique moyen mesure environ 1,70 m. Un siècle plus tard, la population a perdu 5 centimètres en moyenne.La structure faciale des gens se détériore également à vive allure. La bouche et les os du visage rétrécissent. Les problèmes dentaires se généralisent. À l’ère industrielle, les problèmes orthodontiques se multiplient par dix. Les gens n’ayant plus assez de place pour loger leurs dents, nombre d’entre eux se les font toutes arracher afin de les remplacer par des prothèses complètes.
Chapitre 7 - Mastication
Partout où il allait, le schéma était le même. Les gens qui avaient troqué leur alimentation traditionnelle contre une nourriture moderne souffraient jusqu’à dix fois plus de caries, de chevauchement dentaire, d’obstruction des voies respiratoires et d’un état de santé généralement dégradé. Le régime moderne était le même partout : farine blanche, riz blanc, confitures, jus resucrés, légumes en boîte, viande transformée. Les diètes traditionnelles, quant à elles, étaient toutes différentes.En Alaska, Price rencontra des communautés qui consommaient de la viande de phoque, du poisson, du lichen et pas grand-chose d’autre. Dans les îles mélanésiennes, il trouva des tribus qui mangeaient des courges, des asimines (une baie tropicale), des crabes de cocotier et parfois des « longs porcs » (des humains). Il se rendit en Afrique pour étudier les Massaïs nomades, qui se sustentaient essentiellement de sang de vache, de lait, de quelques plantes et d’un steak occasionnel. Il s’immergea ensuite dans le Canada central et y étudia des tribus indigènes qui enduraient des hivers à – 50 °C et se nourrissaient uniquement de gibier.Certaines cultures ne mangeaient que de la viande, tandis que d’autres étaient essentiellement végétariennes. Chez certains, le fromage confectionné à la maison était l’aliment de base, tandis que d’autres ne consommaient jamais aucun laitage. Leurs dents étaient presque toujours parfaites, leur bouche, exceptionnellement large, et leurs ouvertures nasales, béantes. Ils ne souffraient presque jamais de caries et connaissaient peu d’autres problèmes dentaires. Les maladies respiratoires telles que l’asthme ou la tuberculose étaient quasi inexistantes.
Chapitre 7 - Mastication
Quelle que soit la composition de ces régimes, tous avaient en commun leur teneur en vitamines et en minéraux : d’une fois et demie à cinquante fois plus élevée que l’alimentation moderne. Cela conforta Price dans l’idée que ce n’était pas le manque d’une vitamine en particulier qui avait mené à l’atrophie de notre bouche et de nos voies respiratoires, mais une déficience de toutes à la fois. Il s’aperçut que les vitamines et les minéraux fonctionnent en synergie ; chacune a besoin des autres pour être efficace. Voilà pourquoi une supplémentation en un seul élément peut se révéler inutile. Nous avons besoin de l’ensemble de ces nutriments pour développer des os solides dans tout notre corps, en particulier au niveau de la bouche et de la face.
Chapitre 7 - Mastication
Si les gens gagnaient les villes en masse, c’est notamment parce qu’ils en avaient assez de consacrer le plus clair de leur temps et de leurs efforts à se salir les mains pour produire leur nourriture.
Chapitre 7 - Mastication
La suite prouva que Price n’avait qu’à moitié raison. Certes, les carences en vitamines peuvent expliquer pourquoi tant de gens nourris aux aliments industriels tombent malades. Elles peuvent aussi expliquer pourquoi ils ont des dents cariées, des os plus minces et plus fragiles. Néanmoins, ces carences n’expliquent à elles seules ni le rétrécissement extrême et soudain de la bouche ni l’obstruction des voies respiratoires qui frappaient massivement les sociétés modernes. Même si nos ancêtres avaient reçu des apports quotidiens suffisants en minéraux et en vitamines indispensables, leur bouche n’aurait pas grandi suffisamment, leurs dents auraient quand même poussé de travers et ils auraient eu les sinus bouchés. Ce qui était vrai pour nos ancêtres est tout aussi vrai pour nous. Le problème est moins ce que nous mangeons que la façon dont nous le mangeons.En mâchant.C’est l’effort constant de la mastication qui manque à notre mode d’alimentation, pas les vitamines A, B, C ou D. En effet, 95 % de la nourriture moderne, transformée, est molle. Même les aliments considérés aujourd’hui comme sains, tels les smoothies, les beurres d’oléagineux, les avocats, le pain complet ou les soupes de légumes, sont mous.
Chapitre 7 - Mastication
Nos lointains ancêtres mâchaient plusieurs heures par jour, tous les jours. Et parce qu’ils mâchaient tant, leur bouche, leurs dents, leur gorge et leur visage s’épanouissaient en largeur, avec des mâchoires affirmées et des pommettes saillantes. Dans les sociétés industrielles, la nourriture est si transformée qu’elle ne nécessite pratiquement plus aucune mastication.
Chapitre 7 - Mastication
C’est aussi l’une des raisons pour laquelle beaucoup d’entre nous ronflent et ont les voies respiratoires obstruées, ce qui nous amène à recourir à un arsenal de sprays et de pilules, voire de perforations chirurgicales, rien que pour pouvoir inhaler une bouffée d’air frais.
Chapitre 7 - Mastication
J’ai compris que respirer lentement, moins, en expirant à fond, rien de tout cela n’a vraiment d’importance si nous ne pouvons pas acheminer l’air dans notre nez, notre gorge, nos poumons. Notre visage affaissé et notre bouche trop petite nous en empêchent.
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Environ trois quarts des humains modernes ont une déviation de la cloison nasale visible à l’œil nu. Par-dessus le marché, 50 % d’entre eux ont les cornets nasaux chroniquement enflammés.Ces deux problèmes peuvent occasionner une difficulté à respirer, et accroître le risque d’infections. La chirurgie est extrêmement efficace pour ce qui est de redresser ou de diminuer ces structures, mais Nayak me prévient qu’il ne faut y recourir qu’avec parcimonie et à bon escient. Le nez est tout de même un organe aussi complexe que merveilleux
Chapitre 7 - Mastication
Si le chirurgien perce trop largement la cloison ou sectionne trop de tissus, en particulier dans les cornets, le nez n’est plus en mesure de filtrer, d’humidifier, de purifier ou de ressentir correctement l’air inhalé. Pour cette petite proportion de patients infortunés, chaque bouffée d’air entre beaucoup trop vite, une situation atroce connue sous le nom de « syndrome du nez vide ».
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Apnée du sommeil, ronflement, asthme et TDAH : tous ces problèmes sont liés à une obstruction au niveau de la bouche, or personne ne passe autant de temps que les dentistes à regarder dans la bouche des gens.
Chapitre 7 - Mastication
Si votre bouche est peu sujette à l’obstruction, votre luette apparaît haut placée et clairement visible en entier. Plus la luette semble implantée profondément, en arrière de la gorge, plus grand est le risque d’obstruction des voies respiratoires. Dans les bouches les plus sujettes à ce problème, on ne voit pas du tout la luette. Cette mesure, l’échelle de Friedman de position de la langue par rapport au palais, est utilisée pour évaluer rapidement l’aisance de la respiration.Ensuite, il faut examiner votre langue. Si elle recouvre vos molaires, ou si vos dents marquent des ondulations persistantes sur les bords de la langue, c’est qu’elle est trop grosse, et donc qu’elle risque davantage d’obstruer votre gorge quand vous vous allongez.
Chapitre 7 - Mastication
le cou est lui aussi à prendre en compte. Un cou épais restreint l’arrivée d’air. Les hommes qui ont un tour de cou de plus de 43 centimètres et les femmes dont le tour de cou est supérieur à 41 centimètres encourent un risque significativement accru d’obstruction des voies respiratoires. Plus vous prenez de poids, plus vous risquez de ronfler ou de souffrir d’apnée du sommeil. Toutefois, l’indice de masse corporelle n’est qu’un facteur parmi de nombreux autres. Les haltérophiles aussi souffrent fréquemment de problèmes respiratoires chroniques ; au lieu de graisse, ce sont des muscles qui rétrécissent leurs voies respiratoires.
Chapitre 7 - Mastication
De nombreux coureurs de fond, minces comme des fils, et même des nourrissons sont parfois sujets à ces problèmes. C’est que le blocage ne vient pas directement du cou, de la luette ou de la langue… Il vient de la taille de la bouche : 90 % de l’obstruction des voies respiratoires a lieu du côté de la langue, du palais mou et des tissus qui entourent la bouche. Plus la bouche est petite, plus la langue, la luette et d’autres tissus peuvent gêner le passage de l’air.
Chapitre 7 - Mastication
Quelques années après avoir été opérés des amygdales, certains enfants sont sujets à l’obstruction et à tous les problèmes que cela entraîne. En fait, ni l’ablation des amygdales et/ou des végétations, ni la PPC, ni aucune autre procédure ne fournit de solution sur le long terme, car aucune ne s’attaque au problème central : une bouche trop petite par rapport au reste du visage.
Chapitre 7 - Mastication
De l’avis de Gelb, la meilleure approche, pour la majorité de la population, est préventive. Il s’agit, à mesure que nous prenons de l’âge, de remettre de l’ordre dans nos voies respiratoires de façon à éviter l’apnée du sommeil, l’anxiété et les problèmes respiratoires chroniques. Il s’agit d’agrandir une bouche trop petite.
Chapitre 7 - Mastication
Les premiers dispositifs orthodontiques ne visaient pas à redresser les dents, mais à élargir la bouche et à ouvrir les voies aériennes. Au milieu des années 1800, un grand nombre d’enfants naissaient avec un bec-de-lièvre ou un palais étroit. Leur bouche était si petite qu’ils avaient de la difficulté à manger, à parler et à respirer. Pour les aider, le dentiste et sculpteur Norman Kingsley mit au point, en 1859, un dispositif qui poussait la mâchoire vers l’avant, pour faire de la place à l’arrière de la bouche et élargir la gorge. Cela fonctionnait plutôt bien. À l’aube du XXe siècle, un chirurgien français du nom de Pierre Robin dessina son propre modèle.L’appareil de Robin, baptisé le « monobloc », consistait en un faux palais doté d’une vis qui forçait le palais à s’agrandir vers l’extérieur. En quelques semaines, la bouche des patients s’élargissait et leur respiration s’améliorait significativement.Le monobloc marqua le début de toute une vague de dispositifs d’agrandissement de la bouche qui seraient utilisés pour un autre bénéfice : redresser les dents. Si elles ont assez de place, les dents poussent naturellement droites et alignées. Les dispositifs d’élargissement rendent à la bouche sa taille optimale, offrant aux dents toute l’aisance nécessaire
Chapitre 7 - Mastication
la première chose à faire pour soulager l’obstruction n’est pas de mettre en place un traitement orthodontique mais de maintenir une « posture orale » correcte. C’est à la portée de tout le monde, et c’est gratuit.Il s’agit simplement de garder les lèvres fermées, les dents qui se touchent sans serrer et la langue sur le palais. Il faut tenir la tête bien droite, dans l’alignement de la colonne, et ne pas plier le cou. En position assise ou debout, la colonne vertébrale doit former un J : parfaitement droite jusqu’au bas du dos, où elle se cambre naturellement. Et nous devrions toujours respirer lentement, par le nez, en gonflant le ventre.
Chapitre 7 - Mastication
Il suffit de regarder une statue grecque, un dessin de Léonard de Vinci ou n’importe quel portrait ancien. Pourtant, si vous regardez autour de vous aujourd’hui, vous verrez que la plupart des gens ont les épaules voûtées, le cou tendu en avant et la colonne en forme de S. « Un tas d’idiots de village ! Voilà ce que nous sommes devenus ! », tempête Mike. Il adopte alors la position de l’« idiot » en respirant à petites bouffées, bouche ouverte et regard vide. « Voilà ce qui nous tue ! », ajoute-t-il.
Chapitre 7 - Mastication
Nombre d’entre nous ont adopté cette posture en S, non par paresse, mais parce que notre langue ne trouve pas de place dans notre trop petite bouche. N’ayant nulle part où se mettre, elle retombe dans notre gorge, ce qui nous étouffe à petit feu. La nuit, nous nous étranglons et toussons pour tenter de forcer le passage de l’air. Telle est la définition de l’apnée du sommeil, dont souffrent un quart des Américains.
Chapitre 7 - Mastication
« Pensez à un secouriste tentant de ranimer quelqu’un », explique Mike. Avant de pratiquer le massage cardiaque, il incline la tête du patient en arrière pour ouvrir sa gorge.Cette posture, que nous avons adoptée de façon permanente, notre corps la déteste. La tête, en arrière, pèse sur les muscles du dos, qui deviennent douloureux. Le pli du cou exerce une pression sur le tronc cérébral, ce qui cause maux de tête et autres problèmes neurologiques. La position oblique de la tête distend la peau sous les yeux, amincit la lèvre supérieure, étire les chairs le long de l’arête nasale.
Chapitre 7 - Mastication
En plus d’une posture correcte, Mike recommande d’effectuer des exercices de la langue, qui peuvent, selon lui, nous sauver de la « posture de la mort ». La langue est un muscle puissant. Si elle pousse contre les dents, elle peut rompre leur alignement ; si on la dirige vers le haut, Mike pense qu’elle peut aider à agrandir le palais et à ouvrir les voies respiratoires.Cet exercice, popularisé sous le nom de mewing par la horde des fans de Mike, est devenu la nouvelle tendance santé. En quelques mois, assurent ses adeptes, leur bouche s’agrandit, leur mâchoire est plus marquée, ils respirent plus facilement et les symptômes de l’apnée du sommeil diminuent.
Chapitre 7 - Mastication
La vidéo où Mike lui-même donne le mode d’emploi du mewing a été vue 1 million de fois.Le procédé n’est pas facile à décrire sans image, mais l’idée est de bien coller l’arrière de la langue à l’arrière du palais, puis d’avancer la langue jusqu’à ce que la pointe arrive juste avant les incisives. J’essaie deux ou trois fois. C’est très bizarre, comme si je me retenais de vomir. Mike me fait une démonstration. On dirait qu’il se retient de vomir.
Chapitre 7 - Mastication
Manger équilibré et faire de l’exercice peuvent aider à freiner la détérioration, mais on ne peut pas l’arrêter complètement.C’est au niveau du visage que cela se voit le plus. Peau relâchée, poches sous les yeux, joues molles : tout cela est le résultat de la perte osseuse. Quand les os du crâne se dégradent, les tissus mous du fond de la gorge manquent de soutien et eux aussi s’affaissent, comme les montres de Dalí, ce qui peut conduire à l’obstruction des voies respiratoires. Cette perte de masse osseuse explique en partie pourquoi les ronflements et les apnées du sommeil empirent souvent avec l’âge.
Chapitre 7 - Mastication
Après des décennies d’expérimentations et d’études de cas, dans lesquelles il avait vu la bouche et le visage de ses patients rajeunir, Belfor décida que la doxa scientifique sur la perte osseuse n’était qu’un « ramassis de conneries ».« Serrez les dents », me dit-il. J’obéis : la tension de ma mâchoire rayonne jusque dans mon cerveau. Je dois cette sensation à la force du masséter, le muscle de la mastication, situé sous les oreilles. Ramené à son poids, c’est le muscle le plus puissant du corps humain. Il peut exercer une pression de 100 kilos au niveau des molaires.
Chapitre 7 - Mastication
L’os maxillaire, qui constitue le milieu de la face, est fait de tissus osseux d’une grande plasticité. Le maxillaire est capable de croître et de se densifier jusque vers l’âge de 70 ans au moins. « Vous, moi, n’importe qui peut développer du nouveau tissu osseux, à n’importe quel âge », affirme Belfor. Du moment que nous disposons de cellules-souches. Or, pour produire des cellules-souches et leur indiquer qu’elles doivent agrandir le maxillaire, il faut engager le masséter en serrant les molaires, encore et encore.Mâcher. Plus nous mastiquons, plus nous libérons de cellules souches, favorisons la densité et la croissance du maxillaire, et plus nous aurons l’air jeunes et respirerons librement.
Chapitre 7 - Mastication
Comme tant de choses ayant trait à la respiration, le lien entre mastication et voies aériennes n’est pas exactement une découverte récente. Pendant plusieurs mois, alors que j’épluche un siècle de publications scientifiques sur le sujet, j’ai l’impression d’être prisonnier d’une boucle temporelle. À chaque décennie ses chercheurs, et à chaque fois leurs conclusions sont les mêmes, vite avalées par une amnésie collective.
Chapitre 7 - Mastication
James Sim Wallace, médecin et dentiste écossais renommé, publia ainsi plusieurs livres sur les effets délétères d’une alimentation molle sur notre bouche et notre respiration. « Une alimentation molle dans l’enfance inhibe le développement des fibres musculaires de la langue, écrivait-il il y a plus de cent ans. Par conséquent, la langue, moins tonique, n’est pas en capacité de loger correctement les dents de lait dans une arcade dentaire pleinement développée, ce qui occasionne par la suite un manque de place pour les dents définitives. »
Chapitre 7 - Mastication
Humains, cochons… peu importe. Dès qu’ils passaient d’une nourriture ferme à une nourriture molle, leur face s’amincissait, leurs dents se bousculaient, leurs mâchoires ne coïncidaient plus. Souvent, des problèmes respiratoires s’ensuivaient.Dès la première génération qui a connu le passage aux aliments mous et transformés, 50 % de la population humaine fut touchée par la malocclusion dentaire ; à la deuxième génération, on est passé à 70 %, à la troisième, à 85 %, et à la quatrième… regardez autour de vous ! C’est nous, maintenant. Environ 90 % d’entre nous souffrons d’une forme ou une autre de malocclusion.
Chapitre 7 - Mastication
Corruccini présenta ses données lors de conférences professionnelles dans tous les États-Unis. Il y qualifiait la malocclusion de « maladie de la civilisation ». Au début, ses travaux suscitèrent beaucoup d’intérêt. « J’ai reçu un accueil très poli, reconnaît-il. Mais rien n’a vraiment changé. »
Chapitre 7 - Mastication
À l’heure actuelle, le site officiel des National Institutes of Health affirme que les problèmes orthodontiques et autres déformations des voies respiratoires sont dus « le plus souvent à l’hérédité ». Parmi les autres causes, sont cités le fait de sucer son pouce, les blessures, les traumatismes et les tumeurs de la bouche et de la mâchoire.Rien au sujet de la mastication ; rien du tout au sujet de l’alimentation.
Chapitre 7 - Mastication
Belfor et Corruccini attendent encore leur heure de gloire « mew-esque », le jour où les institutions se rendront à l’évidence. En attendant, c’est moi qui me suis rendu à l’évidence.Exactement un an après avoir commencé à porter l’appareil de Belfor, je me suis rendu dans un laboratoire de radiologie privé du centre-ville de San Francisco pour faire un nouveau scanner de mes sinus et de ma bouche. Belfor envoya les images à la très renommée Mayo Clinic pour les soumettre au logiciel Analyse-Direct, et comprendre ce qui était arrivé à mon visage et à mes voies respiratoires.Les résultats étaient stupéfiants. J’avais gagné 1 658 millimètres cubes de tissus osseux dans les joues et l’orbite droit, soit à peu près le volume de cinq pièces de 1 centime ! De plus, 118 millimètres cubes d’os s’étaient ajoutés à mon nez, et 178 à mon maxillaire. Mes mâchoires étaient mieux alignées et plus équilibrées, et mes voies aériennes, plus spacieuses et plus fermes. Les dépôts de pus qui traînaient l’année passée dans mes sinus maxillaires avaient complètement disparu
Chapitre 7 - Mastication
Notons toutefois que personne n’a besoin d’un Homeoblock ni d’aucun autre appareil pour profiter des bénéfices de la mastication. Les aliments durs naturels ainsi que le chewing-gum sont probablement tout aussi efficaces. Marianna Evans recommande à ses patients de mâcher de la gomme pendant 2 à 3 heures par jour. J’ai moi-même suivi ce conseil, en mastiquant de temps à autre des chewing-gums particulièrement coriaces de la marque turque Falim®, par exemple la version au bicarbonate et à la menthe verte. Ces gommes n’ont pratiquement aucun goût, mais elles m’ont offert l’occasion d’exercer mes mâchoires, et les résultats sont visibles.
Chapitre 7 - Mastication
« La nature cherche partout l’équilibre et l’homéostasie, m’a dit Belfor à l’occasion d’une de nos fréquentes conversations téléphoniques. Vous étiez en déséquilibre — il n’y a qu’à voir vos scanners —, alors la nature a repris ses droits en ajoutant une masse osseuse considérable à votre visage, cela saute aux yeux. »
Chapitre 7 - Mastication
Voilà donc la leçon que j’ai tirée de ce long et très étrange voyage au pays de l’obstruction respiratoire et de ses solutions. Notre nez et notre bouche n’ont pas une forme fixée définitivement à notre naissance, pas plus que dans notre enfance, ni même à l’âge adulte. Nous pouvons « remonter le temps » et, par la force de notre volonté, réparer les dégâts des deux ou trois siècles passés, simplement en adoptant une posture correcte, en mastiquant avec ardeur et peut-être en pratiquant le mewing.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Les techniques respiratoires que je m’apprête à aborder n’ont plus rien à voir avec la lenteur et la régularité. Elles ne sont pas accessibles à n’importe qui, n’importe où. Vous ne pourrez pas les pratiquer tout en feuilletant ce livre. Il faut parfois un certain temps pour apprendre à les maîtriser. Elles requièrent un effort soutenu et peuvent se révéler inconfortables.La médecine pulmonaire regorge de noms effrayants pour désigner ce qu’elles risquent de provoquer sur votre corps et votre esprit : acidose respiratoire, alcalose, hypocapnie, hyperactivité du système nerveux sympathique, apnée extrême. En temps normal, ces états de santé sont considérés comme dangereux et nécessitent une assistance médicale. Pourtant, quand on pratique ces techniques de façon volontaire, quand on met consciemment son corps dans ces états pendant quelques minutes, quelques heures, voire une journée entière, c’est quelque chose de tout à fait différent qui se produit. Certaines personnes ont vu leur vie transformée.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Je regrouperai ici ces pratiques extrêmes sous l’appellation « respiration augmentée ». En effet, elles se basent sur les mêmes principes que les autres techniques décrites plus haut dans ce livre, mais beaucoup d’entre elles nécessitent une concentration accrue et offrent des bénéfices supplémentaires. Certaines impliquent de ne pas respirer du tout pendant quelques minutes. Ces méthodes remontent elles aussi à plusieurs milliers d’années, puis elles ont disparu des mémoires, avant d’être redécouvertes à d’autres époques, dans d’autres cultures, redéployées sous d’autres noms.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Au mieux, la respiration augmentée peut offrir une vision plus profonde sur la plus élémentaire de nos fonctions biologiques. Au pire, respirer de cette façon peut provoquer de grosses suées, des nausées, une sensation d’épuisement. Tout cela fait partie du processus. C’est le prix à payer pour avoir accès à l’autre côté de l’expérience.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Je l’ai embauché pour la journée, afin qu’il m’aide à pousser mon système nerveux sympathique dans ses retranchements par hyperventilation.Jusqu’ici, ça marche. Mon cœur bat furieusement. J’ai l’impression qu’un rongeur fou galope dans la poitrine. Je me sens anxieux, paranoïaque, oppressé, et je dégouline de sueur. Ça doit être ça, l’hyperactivité du système nerveux sympathique ; le fameux syndrome du cœur irritable est en train de s’installer.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Il se trouve que la respiration est bien plus qu’un acte physiologique ou biochimique, bien plus qu’un mouvement du diaphragme pour laisser entrer l’air, nourrir les cellules affamées et évacuer les déchets. Les 10 milliards de molécules qui passent par notre corps à chaque souffle remplissent également un rôle plus subtil, mais tout aussi important. Elles influencent presque tous les organes internes, leur disant quand s’activer et quand se mettre en veille. Elles affectent notre fréquence cardiaque, notre digestion, nos changements d’humeur, notre excitation ou notre sensation de nausée. Le souffle est un peu comme l’interrupteur d’un vaste réseau, à savoir le système nerveux autonome.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Ce système se décompose en deux parties qui occupent deux fonctions opposées, et chacune d’elles est essentielle à notre bien-être.La première, le système nerveux parasympathique, régit la relaxation et le repos. La sensation d’enveloppement qui s’empare de vous pendant un long massage ou la somnolence que vous éprouvez après un gros repas sont les conséquences des signaux que votre système nerveux parasympathique envoie à votre estomac pour enclencher la digestion, et à votre cerveau pour diffuser des hormones de bien-être dans votre sang, telles que la sérotonine et l’ocytocine. C’est la stimulation parasympathique qui ouvre les vannes des glandes lacrymales et nous fait verser notre petite larme lors d’une cérémonie de mariage. Elle déclenche la salivation avant les repas, relâche les intestins pour éliminer les déchets et stimule les organes génitaux avant les rapports sexuels. Le système nerveux parasympathique est, en quelque sorte, le système de l’alimentation et de la reproduction.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Nos poumons sont tapissés de nerfs qui s’étendent des deux côtés du système nerveux autonome. Une grande partie des nerfs connectés au système parasympathique sont situés dans les lobes inférieurs des poumons, raison pour laquelle les respirations longues et lentes ont un effet si relaxant. En descendant plus profondément, les molécules d’air stimulent les nerfs parasympathiques, qui commandent aux organes de se mettre en mode repos et digestion. À l’expiration, quand l’air remonte dans les poumons, les molécules d’air redoublent la stimulation du système parasympathique. Plus nous inspirons en douceur, en profondeur, plus nous expirons longuement et plus notre pouls ralentit, plus nous nous calmons. Les membres du genre Homo ont évolué de façon à pouvoir passer la majeure partie de leur temps de veille (et la totalité de leur temps de sommeil) dans cet état de relaxation et de récupération. Se poser, flemmarder, chiller… contribuent à notre humanité !
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
La seconde moitié du système nerveux autonome, qualifiée de « sympathique », joue le rôle opposé. Le système sympathique indique à nos organes qu’il est temps de passer à l’action. Une grande partie des nerfs de ce système sont déployés dans la partie haute de nos poumons. Quand nous prenons des respirations brèves, précipitées, les molécules d’air stimulent les nerfs sympathiques, lesquels fonctionnent comme un centre d’appel des secours : plus le système reçoit de messages, plus l’urgence est grande.L’énergie négative que vous ressentez quand quelqu’un vous fait du tort (une queue de poisson sur l’autoroute, par exemple) n’est autre que l’expression du système nerveux sympathique. Dans ces états de stress, le corps dévie l’afflux de sang des organes moins essentiels, tels que l’estomac ou la vessie, pour le diriger vers les muscles et le cerveau. Vous recevez un shoot d’adrénaline, votre fréquence cardiaque augmente, vos vaisseaux sanguins se resserrent, vos pupilles se dilatent, vous avez les mains moites, vos impulsions prennent le pas sur votre réflexion. Les états sympathiques nous aident à supporter la douleur et ralentissent l’écoulement du sang si nous sommes blessés. Ils nous rendent plus lestes et plus agressifs, nous préparant à la bagarre ou à la fuite si nous sommes confrontés à un danger.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
notre corps est bâti pour ne rester que temporairement, occasionnellement, en état d’alerte sympathique. Activer ce système ne prend qu’une seconde. Le désactiver pour revenir à un état de relaxation peut prendre une heure, parfois plus. C’est pour cela que nous avons du mal à digérer après un accident ou que nous ne sommes guère disposés à faire l’amour dans un état de colère2.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
La technique respiratoire hyper-stressante qui m’a conduit à ce jardin public en bord de route est connue sous le nom de « méditation du feu intérieur ». Les bouddhistes tibétains la pratiquent depuis environ dix siècles, à l’époque où un Indien de 28 ans du nom de Naropa décida qu’il en avait assez de sa vie domestique. Il quitta sa femme, fit son baluchon et se mit en marche vers le nord
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Naropa se révéla être un élève brillant, qui excellait dans l’étude des sutras et des techniques secrètes du tantra, des enseignements transmis de maître à disciple depuis des millénaires. Il prit ensuite le chemin de l’Himalaya pour mettre en application tout ce qu’il avait appris, et s’installa dans une grotte sur les rives du Bagmati, dans l’actuelle Katmandou. Il gelait à pierre fendre, dans cette grotte. Naropa apprit à maîtriser le pouvoir de son souffle de façon à éviter de mourir d’hypothermie. Cette pratique prendrait le nom tibétain de toumo, c’est-à-dire « feu intérieur ».
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Le toumo n’est pas sans danger. Mal appliqué, il peut déclencher une surcharge énergétique, occasionnant de graves séquelles mentales, c’est pourquoi il est resté cantonné pendant mille ans dans les monastères himalayens, réservé aux moines les plus aguerris.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
« Passer l’hiver dans une caverne située entre 4 000 et 5 000 mètres d’altitude, vêtue d’une robe mince ou même nue, et ne pas périr gelée est un problème compliqué. Nombre d’ermites tibétains l’ont pourtant résolu… », écrit David-Néel, qui recourt parfois à cette pratique pour préserver son optimisme, sa santé et sa chaleur corporelle alors qu’elle marche jusqu’à dix-neuf heures par jour dans des conditions extrêmes.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
J’ai des fourmis dans les doigts et l’impression que mon intestin se déroule lentement. Je laisse échapper un gémissement. « Oui ! m’encourage McGee. L’expression, c’est l’antidote de la dépression ! Lâche-toi ! »
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Cette sonorisation est une composante importante du toumo, m’a prévenu McGee avant de commencer. Je me rappelle alors que le stress que je suis moi-même en train de provoquer est bien différent de celui que je peux éprouver quand je suis en retard pour une réunion importante. C’est un stress conscient. « C’est quelque chose que tu décides de faire, pas quelque chose qui t’arrive ! », me répète McGee.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Les surfeurs professionnels, les champions d’arts martiaux et les marins de l’armée américaine utilisent une technique respiratoire proche du toumo pour se mettre en condition avant une compétition ou une opération secrète. L’exercice est également utile pour les quadras qui souffrent d’un léger stress, de douleurs variées et d’un métabolisme paresseux. Pour eux, comme pour moi, le toumo peut faire office de médecine préventive, c’est une façon de remettre sur les rails un système nerveux vacillant.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Parfois, il faut à notre corps davantage qu’un petit coup de pouce pour se remettre en ordre. Parfois, il a besoin d’une sérieuse secousse, et c’est ce que le toumo peut provoquer.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
le nerf vague, un réseau sinueux qui relie entre eux nos organes internes les plus importants. Le nerf vague est une sorte de levier de commande : c’est lui qui active ou désactive les organes en réaction au stress. En cas de fort niveau de stress perçu, il ralentit la fréquence cardiaque, la circulation sanguine et toutes les fonctions organiques. C’est ainsi que nos lointains ancêtres, aussi bien reptiles que mammifères, ont acquis il y a des centaines de millions d’années la capacité de « faire le mort », de façon à conserver leur énergie et à détourner l’agressivité des prédateurs. Les reptiles et de nombreux mammifères possèdent encore cette capacité de nos jours (pensez à la souris qui se laisse pendre, inerte, entre les crocs d’un chat, et qui se remet à courir à la première occasion).
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
À l’être humain aussi, il arrive de « faire le mort », les mêmes mécanismes étant à l’œuvre dans la partie la plus primitive de notre tronc cérébral. On appelle cela « tomber en syncope ». Notre tendance à nous évanouir dépend de notre système vagal, de notre sensibilité à un danger perçu. Certaines personnes sont si anxieuses ou hypersensibles que leur nerf vague les fait s’évanouir à la moindre occasion : à la vue d’une araignée ou d’un peu de sang, ou encore à l’annonce d’une mauvaise nouvelle.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
dans notre monde moderne, nous ne sommes pas confrontés à un stress maximal, lié à un véritable danger. Cependant, nous ne sommes jamais tout à fait détendus. Nous passons nos journées à moitié endormis et nos nuits à moitié éveillés, flottant dans une zone grise de demi-anxiété. En règle générale, notre nerf vague est à moitié stimulé.Dans cet état par défaut, les organes ne sont pas en sommeil, mais plutôt maintenus dans un état de veille suspendue : la circulation sanguine diminue, la communication entre les organes et le cerveau est entrecoupée, comme s’il y avait de la friture sur la ligne. À ce régime, notre corps peut survivre un certain temps, mais il ne peut pas rester en bonne santé sur le long terme.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Pour certains chercheurs, ce n’est pas un hasard si huit des dix cancers les plus fréquents affectent des organes privés d’une circulation sanguine normale en cas de stress prolongé.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Porges a découvert un autre moyen, moins invasif, de stimuler le nerf vague : la respiration.La respiration est une fonction autonome que nous pouvons contrôler. Alors que nous sommes incapables de décider quand ralentir ou accélérer notre cœur ou notre digestion, incapables d’orienter notre sang vers un organe particulier, nous sommes en mesure de choisir quand et comment nous respirons. Respirer en conscience, plus lentement, permet de restaurer la communication sur le réseau vagal et nous replonge dans l’état parasympathique, l’état de relaxation.Respirer vite et fort, en revanche, inverse instantanément la réponse vagale pour nous placer dans un état de stress. Cet exercice nous apprend à accéder consciemment au système nerveux autonome et à le contrôler, à activer volontairement un état de stress intense… que nous pouvons ensuite désactiver de façon à passer le reste de la journée et toute la nuit au calme, à nous relaxer et à récupérer, à nous alimenter et à nous reproduire…« Tu n’es pas le passager ! hurle McGee. Tu es le pilote ! »
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
De retour à Paris, Alexandra David-Néel décrivit le toumo, ainsi que d’autres techniques bouddhistes de respiration et de méditation, dans son récit Voyage d’une Parisienne à Lhassa, paru chez Plon en 1927, mais peu de médecins étaient prêts à accepter le fait que la seule respiration pouvait suffire à réchauffer le corps. Ils étaient encore moins nombreux à croire qu’elle pouvait contrôler le système immunitaire et soigner des maladies.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Benson s’envola pour le toit du monde en 1981. Il y recruta trois moines, les barda de capteurs pour mesurer la température de leurs doigts et de leurs orteils, et leur demanda de pratiquer le toumo. Pendant la pratique, la température des extrémités des moines gagna jusqu’à 9 °C supplémentaires. Les résultats de l’étude furent publiés l’année suivante dans la prestigieuse revue scientifique Nature.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Hof s’immergea pendant 1 h 52 dans une baignoire pleine de glaçons, sans souffrir ni d’engelures ni d’hypothermie. Il courut un marathon dans le désert du Namib sous une température de 40 °C, sans boire une seule goutte d’eau. En l’espace de dix ans, il battit vingt-six records du monde, tous plus époustouflants les uns que les autres. Ces hauts faits lui assurèrent une notoriété internationale : son visage souriant, couvert de givre, apparut bientôt sur des couvertures de magazine, dans des documentaires et dans une demi-douzaine de livres.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Pour apaiser la souffrance du deuil, il avait approfondi sa pratique du yoga, de la méditation et de la respiration consciente, il avait exhumé la technique ancestrale du toumo et l’avait affinée, simplifiée et relookée en vue d’une diffusion de masse
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
En 2011, des chercheurs du centre hospitalier de l’université Radboud, aux Pays-Bas, emmenèrent Hof dans un de leurs laboratoires pour l’examiner sous toutes les coutures et essayer de comprendre comment il arrivait à faire tout cela. À un moment donné, ils lui injectèrent une endotoxine située dans la membrane de la bactérie Escherichia coli. L’exposition à cette bactérie induit en général une réaction violente : vomissements, maux de tête, fièvre et autres symptômes grippaux. Après l’injection, Hof fit une douzaine de respirations de type toumo en posant l’intention de combattre ce corps étranger. Il ne montra aucun signe de fièvre ou de nausée. Quelques minutes plus tard, il se levait de son siège et prenait une tasse de café.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Le toumo ne réchauffe pas seulement le corps. Il ouvre notre armoire à pharmacie pour nous injecter les hormones du bien-être : endorphine, dopamine et sérotonine. Tout cela en quelques centaines de respirations rapides et puissantes.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
McGee faisait alors partie des 15 % de la population américaine — soit plus de 50 millions de personnes — qui souffraient d’une affection auto-immune. Pour schématiser, ces maladies se produisent quand le système immunitaire pète un câble et se met à attaquer des tissus sains. Les articulations s’enflamment, les fibres musculaires et nerveuses s’étiolent, la peau se couvre de plaques rouges… Ces maux peuvent prendre plusieurs formes, comme l’arthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques, la thyroïdite de Hashimoto ou le diabète de type 1.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Les traitements pharmaceutiques, tels que les immunosuppresseurs, soulagent les symptômes et apportent un certain confort aux patients, mais ils ne font rien contre la source du problème. On ne connaît pas de remède aux maladies auto-immunes et leurs causes sont encore sujettes à débat, mais de plus en plus d’études montrent que beaucoup d’entre elles sont liées à des dysfonctionnements du système nerveux autonome.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
C’est un ami de McGee qui lui avait fait envisager les traitements alternatifs. Il lui avait parlé d’un reportage diffusé sur Vice TV où il était question de « l’homme de glace ». Mon coach s’était essayé le soir même à la technique de respiration intense de Wim Hof. « Cette nuit-là, pour la première fois depuis très longtemps, j’ai bien dormi. » Il s’était inscrit dans la foulée au cours vidéo de deux mois et demi proposés par Hof. Au bout de quelques semaines, son taux d’insuline s’était normalisé, ses douleurs s’étaient dissipées et sa tension avait plongé. Il avait abandonné l’énalapril et réduit sa prise d’insuline. Il avait encore recours à l’ibuprofène, mais seulement un comprimé ou deux par semaine.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Les dictons genre “tu dois prendre sur toi” ou “pas de douleur, pas d’honneur” sont un ramassis de conneries. C’est le meilleur moyen de se blesser », m’a expliqué McGee.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Vingt mille disciples de Hof échangent régulièrement en ligne les résultats de leurs bilans sanguins et autres indicateurs de leur transformation. Certains voient leurs signes d’inflammation (taux de protéine C-réactive) divisés par quarante en quelques semaines seulement.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
« Les médecins disent que c’est de la pseudoscience, que ça ne peut pas être vrai », commente mon coach. Pourtant, les effets de la respiration intense sont bien réels chez lui, comme chez des milliers d’autres adeptes de cette pratique. Tous les jours, de nouveaux patients laissent tomber les médicaments en apprenant le moyen de se réchauffer et de se soigner par eux-mêmes. « On ne peut pas mettre de brevet sur la respiration, mais ça fait partie du jeu. Et on ne peut pas blâmer quelqu’un parce qu’il n’a pas appris à respirer correctement. Tout ce qu’on peut faire, c’est transmettre l’information. »
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
L’information, la voici : pour pratiquer la méthode de respiration de Wim Hof, commencez par trouver un endroit tranquille et allongez-vous sur le dos, avec un oreiller sous la tête. Détendez les épaules, le torse, les jambes. Prenez une très grande inspiration abdominale et relâchez le souffle tout aussi vite. Continuez à respirer ainsi pendant 30 cycles. Si possible, inspirez par le nez. Si vous avez le nez bouché, essayez de respirer en gardant les dents serrées, lèvres retroussées. Chaque inspiration doit ressembler à une vague : gonflez d’abord le ventre, ensuite la cage thoracique. Respectez le même ordre pour rejeter l’air.Au bout de 30 souffles, terminez naturellement la série sur une expiration, en gardant environ un quart de l’air dans les poumons, puis retenez cet air aussi longtemps que possible. Quand vous avez atteint votre limite, prenez une nouvelle respiration géante et retenez-la 15 secondes. En douceur, déplacez cet air neuf dans votre cage thoracique et jusque sous les clavicules, puis expirez et recommencez un cycle de respiration intense. Répétez le processus trois ou quatre fois le matin au réveil et, plusieurs fois par semaine, ajoutez une exposition au froid sous une forme ou une autre (habituez-vous progressivement à prendre votre douche froide, prenez un bain de glaçons ou allongez-vous en maillot de bain dans la neige…).C’est cette alternance — respirer à fond, puis pas du tout, s’exposer au froid et se réchauffer — qui constitue la formule magique du toumo. D’un instant à l’autre, il fait passer le corps d’un stress intense à une relaxation totale. Le taux de CO2 sanguin s’effondre, avant de remonter. Les tissus tombent en hypoxie, avant d’être à nouveau inondés d’oxygène. Notre corps devient plus adaptable à ces réponses physiologiques, pratiquées sous notre propre contrôle. Selon l’image de McGee, la respiration intense consciente nous apprend à « plier pour éviter de rompre ».
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
McGee m’a dit et répété, comme à chacun de ses étudiants, de ne jamais, ô grand jamais, pratiquer le toumo en conduisant ou en marchant, de ne jamais le pratiquer dans un environnement où on risquerait de se blesser en s’évanouissant, de ne jamais le pratiquer en cas de grossesse ou de maladie cardiaque.Personne ne sait à quel point ce stress extrême est réellement stimulant à long terme pour les systèmes nerveux et immunitaire. Certains pneumonautes, tels mon ami Anders Olsson et d’autres partisans de la respiration diminuée et ralentie, avancent que cette hyperventilation forcée comporte plus de risques que de bénéfices dans notre société « shootée à l’adrénaline ».
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Je ne suis pas de cet avis. Jusqu’à sa mort, en 1969, à l’âge de 100 ans, Alexandra David-Néel a pratiqué le toumo, ainsi que d’autres anciennes pratiques de respiration et de méditation. L’un de ses acolytes, Maurice Daubard, est encore en vie. Né en 1930, il a passé son adolescence dans des hôpitaux et des sanatoriums, cloué au lit par la tuberculose, la pleurésie et d’autres maladies. À l’âge de 20 ans, alors que les médecins avaient jeté l’éponge, Daubard décida de se soigner tout seul. Il lut des livres, se mit au yoga et apprit le toumo. Il ne recouvra pas seulement la santé, il acquit une résistance stupéfiante.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
« Le toumo sert à reconstituer le système immunitaire, proclame Daubard. C’est une ouverture fabuleuse sur l’avenir de la santé humaine. »
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
La technique des époux Grof était grosso modo une version extrême du toumo. Il s’agissait de s’allonger par terre dans une pièce obscure, de mettre de la musique à fond et de respirer aussi vite et aussi fort que possible pendant 3 heures. Les Grof s’étaient aperçus que respirer jusqu’à l’épuisement pouvait placer les patients dans un état de stress provoquant des pensées conscientes et inconscientes. En bref, cette thérapie aidait les gens à griller un fusible… avant de retrouver un calme planant.Les Grof baptisèrent cette méthode « respiration holotropique », du grec holos, « entier », et trepein, « traverser ». La respiration holotropique vise à briser l’esprit, pour le retrouver entier à la sortie. Et ce n’est pas une mince affaire ! Elle comprend souvent une traversée du « côté obscur de l’âme », au cours de laquelle les patients font l’expérience d’une confrontation douloureuse à eux-mêmes. Parfois, ils sont pris de vomissements ou de crises de nerfs. S’ils arrivent à dépasser tout cela, ils peuvent avoir accès à des visions mystiques, des épiphanies psychologiques, des expériences de hors-corps et, parfois, à ce que Grof appelle une « mini mort-et-renaissance ». Les patients racontent avoir vu défiler toute leur vie devant leurs yeux en un éclair. La méthode a rapidement gagné en popularité auprès des psychiatres.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
Au repos, environ 75 centilitres de sang (l’équivalent d’une bouteille de vin) traversent notre cerveau chaque minute. Quand on fait du sport, il arrive que l’afflux sanguin augmente un peu là-haut, comme dans d’autres parties du corps, mais en général il est plutôt stable.La situation change quand on respire vite et fort. Dès qu’on force le corps à absorber plus d’air que nécessaire, nous expirons trop de CO2, ce qui rétrécit les vaisseaux sanguins et diminue la circulation, en particulier dans le cerveau. En quelques minutes, voire quelques secondes, d’hyperventilation, l’irrigation sanguine du cerveau peut baisser de 40 % !Les zones les plus affectées sont l’hippocampe et les cortex frontal, occipital et pario-occipital, qui régissent ensemble des fonctions telles que l’analyse visuelle, les sensations corporelles, la mémoire, l’expérience de la temporalité et la conscience de soi. Les turbulences dans ces zones peuvent déclencher de puissantes hallucinations, parmi lesquelles des expériences de hors-corps et des rêves éveillés. Si nous continuons à respirer de plus en plus vite, de plus en plus fort, le sang se retire encore plus de notre cerveau, et les hallucinations visuelles ou auditives s’intensifient.
Chapitre 8 - Respirer davantage, parfois
De plus, un déséquilibre de pH prolongé dans le sang envoie des signaux de détresse dans tout le corps, en particulier dans le système limbique, qui contrôle les émotions, l’excitation sexuelle et d’autres comportements instinctifs. Maintenir volontairement ces signaux de stress pendant un certain temps peut faire croire à notre système limbique primitif que notre corps est en train de mourir. Cela pourrait expliquer pourquoi tant de gens font l’expérience d’une sensation de mort-renaissance pendant une séance de respiration holotropique. En bref, ils amènent leur corps à un état perçu comme potentiellement mortel, avant de le ramener à la réalité par la respiration.Grof reconnaît que les chercheurs sont encore loin de tout comprendre à ce phénomène. Cela ne le trouble pas outre mesure ; il sait que la respiration holotropique provoque la secousse salutaire que tant de patients n’ont pas pu trouver dans d’autres thérapies. Seule la respiration intense a fourni une solution à leur problème.
Chapitre 9 - Rétention
En l’occurrence, il avait extrait les amygdales des singes. Ces complexes cérébraux en forme d’amande, situés au centre des lobes temporaux, aident les vertébrés supérieurs à mémoriser des choses, à prendre des décisions et à analyser leurs émotions. On pense aussi que les amygdales sont le système d’alarme de la peur, qui nous signale les menaces et induit une réaction de combat ou de fuite. Sans amygdales, écrit Kling, tous les singes « semblaient handicapés dans leur capacité à prévoir et à éviter les confrontations dangereuses ». Sans la peur, la survie était impossible, ou du moins extrêmement précaire.
Chapitre 9 - Rétention
Lorsque S.M. atteignit l’âge de 10 ans, les dépôts adipeux s’étaient étendus jusqu’à son cerveau. Pour une raison inconnue, la plupart des zones cérébrales étaient intactes, mais ses amygdales étaient détruites.S.M. pouvait voir, sentir, entendre, penser et goûter comme n’importe qui. Son quotient intellectuel, sa mémoire et ses perceptions étaient normaux. Alors qu’elle approchait de l’âge adulte, son sens de la peur se retrouva inhibé : il lui arriva d’aborder un inconnu et d’approcher son visage à quelques centimètres du sien pour lui raconter ses désirs les plus intimes, sans honte ni crainte d’être rejetée ; elle sortit de chez elle pour bavarder avec la voisine alors qu’une tornade faisait rage, sans se soucier d’être assommée par une branche ou une tuile ; quand il y avait de la nourriture, elle mangeait, mais elle ne songeait pas à faire les courses quand les placards étaient vides, ne craignant jamais d’avoir faim…Elle finit même par perdre la capacité de reconnaître la peur sur le visage d’autrui. Elle pouvait facilement identifier la joie, la perplexité ou la tristesse chez ses amis ou les membres de sa famille, mais elle ne percevait rien quand quelqu’un était effrayé ou menacé. Les soucis, le stress et l’anxiété avaient été désactivés en même temps que ses amygdales.
Chapitre 9 - Rétention
L’anxiété est un trouble émotionnel qui se traduit par un sentiment indéfinissable d’insécurité. À la base, il y a toujours la peur de quelque chose : la peur de grossir conduit à l’anorexie ; celle de se retrouver au milieu d’une foule, à l’agoraphobie ; la peur de perdre le contrôle, à des crises de panique. Une anxiété, c’est une hypersensibilité à une peur perçue, que ce soit celle des araignées, du sexe opposé, des espaces confinés, etc. Au niveau neurologique, anxiété et phobies sont causées par une trop grande activité des amygdales.
Chapitre 9 - Rétention
Accompagné d’un groupe de neurochirurgiens, de psychologues et d’assistants de recherche, Feinstein invita S.M. à l’hôpital universitaire afin de réaliser sa propre expérience. On assit la dame à un bureau et on lui plaça sur le visage un masque relié à un sac d’inhalation contenant 35 % de CO2 mélangé à de l’air ambiant. On expliqua à S.M. que le gaz ne ferait pas de mal à son corps, que ses tissus et son cerveau resteraient parfaitement oxygénés. Elle ne courait aucun danger. En écoutant, S.M. arborait son indifférence coutumière.« Personne ne s’attendait à ce qu’il se passe quoi que ce soit », me dirait Feinstein par la suite. Il envoya le CO2 dans le masque. S.M. inhala.Aussitôt, ses yeux tombants s’écarquillèrent, les muscles de ses épaules se contractèrent, sa respiration devient laborieuse. Elle se cramponna au bureau. « À l’aide ! », hurla-t-elle dans le masque. Elle leva un bras et l’agita, comme si elle se noyait. « Je ne peux pas… Je ne peux pas respirer ! » L’un des chercheurs arracha le masque, mais cela ne changea rien. S.M. continua à s’agiter en s’étranglant. Au bout d’une minute, enfin, elle laissa retomber ses bras et sa respiration s’apaisa.Pour la première fois depuis trente ans, elle venait d’éprouver la peur, sous la forme d’une belle crise de panique. Son cerveau n’avait pas changé, mais c’est comme si un interrupteur oublié avait soudain été actionné.Elle refusa d’inspirer une seconde bouffée de CO2. Des années plus tard, cette seule idée la plongerait dans un état de stress. Feinstein et son équipe confirmèrent les résultats de l’expérience sur des jumeaux allemands également atteints de la maladie d’Urbach-Wiethe. Ayant perdu leurs amygdales, ils n’avaient pas ressenti la peur depuis dix ans. Comme pour S.M., une seule bouffée de CO2 suffit à les plonger dans une profonde anxiété.
Chapitre 9 - Rétention
Les manuels de médecine se trompaient. Les amygdales ne sont pas le seul « système d’alarme » de la peur. Un autre système, plus profond, est capable de générer un sens du danger, probablement plus puissant que celui des amygdales, et il n’est pas l’apanage d’une poignée de personnes atteintes de la maladie d’Urbach-Wiethe. Presque tous les êtres vivants en font l’expérience : humains, animaux (y compris les insectes) et bactéries.Cette angoisse profonde, qui ébranle notre corps et notre esprit, c’est la sensation de ne plus pouvoir respirer.
Chapitre 9 - Rétention
Cette envie de respirer est activée par un groupe de neurones : les chémorécepteurs centraux, situés à la base du tronc cérébral. Quand nous respirons trop rapidement, ils ordonnent au corps de respirer plus lentement afin d’augmenter le taux de CO2 dans le sang. C’est ainsi que notre corps détermine à quelle vitesse et à quelle fréquence nous devons respirer ; non pas en fonction de notre taux d’oxygène, mais en fonction de notre taux de CO2.
Chapitre 9 - Rétention
La chémoréception est l’une des fonctions les plus fondamentales du vivant. Lorsqu’elles sont apparues, il y a 2,5 milliards d’années, les premières formes de vie aérobies ont dû apprendre à reconnaître le CO2 afin de l’éviter. Cette faculté est passée aux bactéries, puis aux êtres plus complexes. C’est la chémoréception qui provoque la sensation d’étouffement que vous avez éprouvée en retenant votre souffle.
Chapitre 9 - Rétention
Au cours de l’évolution de l’espèce humaine, la chémoréception a gagné en flexibilité : elle peut s’adapter à un changement d’environnement. C’est cette faculté de s’adapter à différents taux de dioxyde de carbone et d’oxygène qui a permis aux humains de coloniser des territoires de – 250 à plus de 5 000 mètres d’altitude.De nos jours, la flexibilité des chémorécepteurs est l’un des facteurs qui départagent les bons athlètes des athlètes exceptionnels. C’est pour cela que certains alpinistes d’élite sont capables de gravir l’Everest sans supplément d’oxygène, et que certains apnéistes sont capables de retenir leur respiration sous l’eau pendant dix minutes. Tous ces gens ont entraîné leurs chémorécepteurs à supporter sans paniquer des fluctuations extrêmes de leur taux de CO2 sanguin.
Chapitre 9 - Rétention
Les peurs ne sont pas uniquement un problème mental. Il ne suffit pas, pour les traiter, d’amener les patients à changer leur façon de penser. La peur et l’anxiété ont également une composante physique. Elles peuvent être générées en dehors des amygdales, à partir d’une partie plus archaïque de notre cerveau reptilien.Environ 18 % des Américains souffrent d’une forme d’anxiété ou de panique, et ce nombre est en augmentation chaque année.
Chapitre 9 - Rétention
Et si la meilleure façon de les soigner, ainsi que les centaines de millions d’autres personnes qui partagent cette situation dans le monde, était d’entraîner leurs chémorécepteurs centraux et le reste de leur cerveau à devenir plus adaptables aux variations du taux de CO2 ? Et si l’on commençait par apprendre aux personnes anxieuses… à retenir leur souffle ?
Chapitre 9 - Rétention
les savants chinois rédigeraient plusieurs volumes détaillant l’art de la rétention d’air. L’un de ces textes, Traité sur le souffle, d’un auteur anonyme désigné comme le « Maître du Grand Non-Être du mont Song », donne les conseils suivants :Chaque jour, allongez-vous, calmez votre esprit, éliminez les pensées et retenez votre souffle. Serrez les poings, inspirez par le nez et expirez par la bouche. Le souffle ne doit pas être audible, il doit rester fin et subtil. La rétention vous fera transpirer par la plante des pieds. Comptez cent fois « un et deux ». Après une rétention extrême, expirez de façon subtile. Inspirez un peu plus et retenez encore (votre souffle). Si vous avez chaud, expirez sur le son « ho ». Si vous avez froid, expirez sur « ch’ui ». Si vous pouvez respirer (ainsi) et compter jusqu’à mille (en retenant votre souffle), vous n’aurez jamais besoin ni de grains ni de médicaments.
Chapitre 9 - Rétention
De nos jours, le fait de retenir son souffle est presque systématiquement associé à la maladie. « N’oublie pas de respirer ! », entend-on souvent. On nous dit qu’il n’y a rien de pire que de priver notre corps d’un apport constant en oxygène. La plupart du temps, c’est un conseil plein de bon sens.Comme vous le savez maintenant, l’apnée du sommeil, une forme de rétention inconsciente du souffle, peut être lourde de conséquences. Elle peut causer ou contribuer à aggraver l’hypertension, certains troubles neurologiques, des maladies auto-immunes, et j’en passe. Le fait de retenir son souffle pendant son temps de veille est tout aussi néfaste… et encore plus répandu.
Chapitre 9 - Rétention
Selon une estimation, environ 80 % des personnes qui travaillent dans un bureau souffrent de ce que l’on a baptisé l’« attention partielle continue ». Tout en parcourant votre boîte de réception du regard, vous notez quelque chose à la main et jetez un œil à Twitter, sans jamais vous concentrer sur une tâche spécifique. Dans cet état de distraction permanente, la respiration est peu profonde et erratique. Parfois, nous ne respirons plus du tout pendant une trentaine de secondes, voire plus. Le problème est si sérieux que les National Institutes of Health (instituts nationaux de santé américains) ont enrôlé une équipe de chercheurs, parmi lesquels le Dr David Anderson et le Dr Margaret Chesney, pour se pencher sur la question. Le Dr Chesney m’a expliqué que cette fâcheuse habitude, également dénommée « apnée du mail », peut contribuer aux mêmes affections que l’apnée du sommeil.
Chapitre 9 - Rétention
Comment se fait-il que la science moderne et les pratiques des temps passés soient si discordantes ?Une fois de plus, la différence réside dans la volition. La rétention du souffle qui survient pendant le sommeil et l’attention partielle continue sont des phénomènes inconscients : quelque chose arrive à notre corps, que nous ne pouvons pas contrôler. En revanche, la rétention pratiquée par les Anciens et les revivalistes est consciente. Ce sont des techniques que nous décidons de pratiquer.Et il paraît qu’elles font des miracles quand on s’y adonne correctement.
Chapitre 9 - Rétention
Feinstein vient de se voir attribuer une bourse de cinq ans de la part des instituts nationaux de santé pour tester l’inhalation de CO2 dans le traitement des troubles liés à l’anxiété. Après avoir administré ce gaz aux jumeaux allemands et à S.M., tous trois atteints de la maladie d’Urbach-Wiethe, il a acquis la conviction que le dioxyde de carbone pouvait certes causer des crises de panique et d’anxiété, mais aussi les soigner ! Il pense en effet que l’inhalation de hautes doses de CO2 est susceptible de fournir les mêmes bénéfices que les techniques ancestrales de rétention du souffle.À la différence de l’ancienne méthode taoïste chinoise, la thérapie préconisée par Feinstein n’implique ni de retenir sa respiration ni de se bloquer le gosier, poings serrés, en comptant jusqu’à 100. Ses patients sont bien trop anxieux et impatients pour se lancer dans des pratiques aussi intenses. Le dioxyde de carbone se charge de tout. Quand ils viennent au cabinet, ils peuvent penser à ce qu’ils veulent. Il leur suffit d’inhaler quelques bouffées du gaz (ce qui ramène automatiquement leurs chémorécepteurs à la normale) avant de rentrer chez eux.
Chapitre 9 - Rétention
Le truc de la rétention — ou plutôt, comme dirait Feinstein, la thérapie au dioxyde de carbone —, les humains le connaissent depuis des milliers d’années. Les Romains de l’Antiquité prescrivaient déjà des bains dans les sources thermales riches en dioxyde de carbone, qui s’absorbe aussi par la peau, pour soigner nombre de maux, depuis la goutte jusqu’aux blessures de guerre. Plusieurs siècles plus tard, à la Belle Époque, les Français aisés ont redécouvert les bienfaits des eaux carboniques, par exemple aux thermes de Royat, dans le Massif central.
Chapitre 9 - Rétention
les médecins de Royat se sont mis à embouteiller le dioxyde de carbone et à l’administrer sous forme d’inhalations. Cette thérapie était si efficace que sa renommée gagna les États-Unis au début des années 1900. Un traitement constitué de 95 % d’oxygène et de 5 % de CO2, popularisé par Yandell Henderson, un physiologiste de l’université Yale, fut utilisé avec d’excellents résultats pour soigner les conséquences des AVC, les pneumonies, l’asthme et l’asphyxie du nouveau-né. Les pompiers de New York, Chicago et d’autres métropoles américaines installèrent des bouteilles de CO2 dans leurs véhicules. Ce gaz a sauvé bien des vies.Pendant ce temps, le mélange à hauteur de 30 % de CO2 et 70 % d’oxygène devint un traitement de routine contre l’anxiété, l’épilepsie et même la schizophrénie. Après quelques bouffées, des patients qui avaient passé des mois, voire des années, dans un état catatonique reprenaient soudain leurs sens. Ils ouvraient les yeux, balayaient la chambre du regard et se mettaient tranquillement à parler avec les médecins et les autres patients.« C’était une sensation extraordinaire. C’était merveilleux. Je me sentais tout léger, je ne savais pas où j’étais, relate un patient. Je savais qu’il m’était arrivé quelque chose, sans comprendre quoi. »Le patient restait dans cet état cohérent et lucide pendant une trentaine de minutes, jusqu’à ce que les effets du dioxyde de carbone se dissipent. Sans préavis, il s’interrompait alors au milieu d’une phrase et se figeait sur place, telle une statue, le regard dans le vide. Parfois, il tombait en syncope. Le patient rechutait et restait dans cet état jusqu’à la dose de CO2 suivante.
Chapitre 9 - Rétention
Pour une raison mystérieuse, vers les années 1950, un siècle de recherche scientifique est passé à la trappe. Ceux qui avaient des problèmes de peau se sont tournés vers les crèmes et les pilules ; les asthmatiques s’en sont remis aux corticoïdes et aux bronchodilatateurs pour limiter leurs symptômes ; on a administré des sédatifs aux personnes atteintes de troubles mentaux sévères. Ces médicaments n’ont jamais pu soigner la schizophrénie et les autres psychoses, mais ils ne provoquaient pas non plus des expériences de hors-corps ou des crises d’euphorie. Les patients pouvaient rester dans un état d’abrutissement pendant des semaines, des mois, des années… tant qu’ils ingurgitaient ces molécules.
Chapitre 9 - Rétention
En quelques inhalations seulement, les patients de Wolpe avaient bénéficié d’améliorations spectaculaires et durables. Quelques années plus tard, Donald Klein, un confrère de Wolpe spécialisé comme lui dans le traitement de la panique et de l’anxiété, émit l’idée que le CO2 pouvait aider à « remettre à zéro » les chémorécepteurs du cerveau : dès lors, les patients peuvent respirer normalement, et donc penser normalement
Chapitre 9 - Rétention
Selon lui, pilules et comprimés n’offrent que de fausses promesses et restent inefficaces pour la majorité des gens. La dépression et les troubles anxieux représentent les maladies mentales les plus fréquentes aux États-Unis. Près d’un Américain sur deux est susceptible de souffrir de l’une ou l’autre au cours de sa vie. Pour tenir le coup, 13 % des personnes de plus de 12 ans ont recours à des antidépresseurs, le plus souvent des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Ces médicaments sont d’un grand secours pour des millions de gens, en particulier ceux qui sont atteints de dépression sévère ou autres pathologies invalidantes, mais, au bout du compte, ils ne font aucun bien2 à plus de la moitié des personnes qui les prennent. « Ne pouvons-nous pas faire mieux ? Cette question me taraude », commente Feinstein.
Chapitre 9 - Rétention
Le neuropsychologue a exploré différentes thérapies non pharmaceutiques ; il a passé les dix dernières années à pratiquer et à enseigner la méditation de pleine conscience. Quantité d’études scientifiques ont montré que la méditation peut changer la structure et le fonctionnement de certaines zones du cerveau, aider à soulager l’anxiété, améliorer la concentration et renforcer la compassion. La méditation peut faire des merveilles, mais seuls quelques-uns pourront en récolter les bénéfices, la plupart des gens qui essaient de méditer finissant par abandonner et par passer à autre chose. « La méditation de pleine conscience, telle que pratiquée le plus souvent, n’est plus adaptée au monde moderne », estime Feinstein.
Chapitre 9 - Rétention
La thérapie d’exposition, une autre option, consiste à confronter les patients à leurs peurs de façon répétée, progressive et contrôlée, afin de les désensibiliser. Cette méthode est très efficace, mais elle prend du temps : elle implique plusieurs longues sessions étendues sur des semaines, voire des mois. Il n’est pas facile de trouver des psychologues qui disposent de ce temps, ni des patients qui disposent des ressources nécessaires.
Chapitre 9 - Rétention
En revanche, tout le monde respire — plutôt mal pour la majorité d’entre nous —, or les personnes atteintes des anxiétés les plus sévères présentent systématiquement les pires habitudes respiratoires.Ainsi, les personnes souffrant d’anorexie, de crises de panique ou de troubles obsessionnels compulsifs ont toutes un taux de CO2 trop faible, et leur peur de retenir leur souffle est supérieure à la moyenne. Pour éviter les crises, elles respirent beaucoup trop, de sorte qu’à terme elles développent une hypersensibilité au dioxyde de carbone et entrent en panique dès que leur corps détecte une augmentation de ce gaz. Elles sont anxieuses parce qu’elles hyperventilent, et elles hyperventilent parce qu’elles sont anxieuses.
Chapitre 9 - Rétention
Feinstein a trouvé des ressources dans les récentes études d’Alicia Meuret, une psychologue de la Southern Methodist University qui aide ses patients à atténuer leurs crises d’asthme en ralentissant leur souffle afin d’augmenter leur taux de CO2. Cette technique s’est également révélée efficace contre les crises de panique.
Chapitre 9 - Rétention
Dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé, les chercheurs de son équipe ont branché un capnomètre sur vingt patients souffrant de crises de panique afin de mesurer la concentration en CO2 de l’air qu’ils expirent tout au long de la journée. Après analyse des données, Meuret a conclu que la panique, tout comme l’asthme, est généralement précédée d’une augmentation du volume et du rythme respiratoires, ainsi que d’une baisse du dioxyde de carbone. Pour empêcher la crise de se déclarer, les sujets devaient respirer moins, et moins souvent, ce qui avait pour effet de faire remonter leur taux de CO2. Cette technique simple et gratuite permet de stopper les vertiges, l’essoufflement et la sensation de suffocation. Elle empêche effectivement la crise de panique de se manifester. « “Respire un grand coup !” n’est pas un bon conseil », écrit Meuret. Mieux vaut recommander de retenir son souffle !
Chapitre 9 - Rétention
les résultats sont encourageants. Certes, le gaz a commencé par provoquer une crise de panique chez la plupart des sujets, mais cela fait partie du processus : une sorte de baptême par le feu. À la suite de ce moment d’inconfort, de nombreux patients disent s’être sentis détendus pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours.
Chapitre 9 - Rétention
La mixture que je m’apprête à inhaler contient 35 % de dioxyde de carbone, le reste est de l’air ambiant ; c’est à peu de chose près la proportion de CO2 que Feinstein avait utilisée avec les schizophrènes, à la différence que ce gaz était alors mélangé à de l’oxygène.
Chapitre 9 - Rétention
Feinstein réduit maintenant la dose à 15 % : suffisamment pour mettre les chémorécepteurs à l’épreuve, mais pas assez pour empêcher les sujets de revenir.
Chapitre 9 - Rétention
Olsson m’expliqua qu’il avait passé les deux ou trois dernières années à mener ses propres expériences sur le CO2 en compagnie d’autres pneumonautes autodidactes. Ils ne s’intéressaient pas aux énormes doses utilisées pour traiter l’épilepsie et les troubles mentaux. Ni Olsson ni les membres de son petit groupe n’étaient malades. Ce qui les intéressait, c’était d’explorer les bienfaits du dioxyde de carbone en termes de santé préventive et d’amélioration des performances physiques ; ils voulaient mettre leurs chémorécepteurs à l’épreuve pour repousser les limites de leur corps.Le shoot le plus efficace qu’ils ont réussi à mettre au point consistait en quelques bouffées d’un mélange de 7 % de CO2 dans de l’air ambiant, soit la proportion de la « superendurance » mesurée par Buteyko dans l’air expiré des athlètes de haut niveau. L’inhalation de cette mixture était exempte de tout effet hallucinogène et ne déclenchait pas de crise de panique. Sur le coup, on ne ressentait pratiquement rien, mais les effets étaient puissants. Olsson m’a fait visionner le retour d’expérience de quelques pneumonautes.
Chapitre 9 - Rétention
Sujet no 2 : « J’ai fait trois inhalations de dioxyde de carbone hier, d’environ 15 minutes chacune. Aujourd’hui, j’ai passé la journée à faire du canoë, et ensuite, quand j’ai fait l’amour avec ma copine, elle était épuisée, à bout de souffle, alors que je n’étais même pas essoufflé ! J’avais l’impression d’être surhumain ! »Sujet no 3 : « Ah la vache !… J’étais en train de respirer… et tout à coup je me suis senti, genre… trop bien ! Euphorique, même. Comme si quelque chose respirait à ma place. »
Chapitre 9 - Rétention
l’objectif de Feinstein n’est pas de changer la façon dont le patient ressent les choses sur un plan émotionnel, son but est de reprogrammer le mécanisme du cerveau primitif.Après tout, les chémorécepteurs se moquent bien de savoir si l’augmentation du CO2 dans le sang est le résultat d’une strangulation, d’une noyade ou d’une poche plastique dans un laboratoire de Tulsa. Ces dernières déclenchent le même signal d’alarme. Faire l’expérience d’une telle crise dans un environnement sous contrôle permet de la démythifier. Le patient en reçoit un avant-goût, de façon à être en mesure de l’éviter une prochaine fois. Cette thérapie nous donne un pouvoir conscient sur ce qui a trop longtemps été considéré comme une maladie de l’inconscient, et nous montre que nombre des symptômes dont nous souffrons peuvent être causés, et contrôlés, par la respiration.
Chapitre 9 - Rétention
Il faut plusieurs séances pour étendre la flexibilité des chémorécepteurs : les patients de Feinstein reviennent pour une piqûre de rappel au bout de quelques jours. Tout cela n’est rien d’autre qu’une thérapie d’exposition. Plus je m’expose à ce gaz, plus j’y suis résilient en cas de surcharge.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Ma perplexité augmente encore quand j’entends que les moines bouddhistes et ceux de la tradition bön (religion tibétaine préexistant au bouddhisme) pratiquent une version plus douce du toumo, qui stimule la réaction physiologique opposée. Ces moines ne soufflent pas comme des locomotives à vapeur. Au contraire, ils restent calmement assis en tailleur, respirant peu et lentement, pour inviter un état de relaxation et de calme extrêmes. Leur métabolisme peut alors diminuer de 64 %, la valeur la plus faible jamais enregistrée en laboratoire. À ce stade, les moines devraient être morts, ou du moins souffrir d’hypothermie sévère. Cependant, dans cet état de détente profonde, ils sont capables d’augmenter leur température corporelle de plusieurs degrés et de conserver leur chaleur pendant plusieurs heures, par des températures glaciales.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Tout d’abord, je voudrais savoir pourquoi le corps se réchauffe pendant la pratique du toumo ou d’autres techniques de respiration augmentée. La forte dose d’hormones du stress peut très bien endormir la douleur du froid, mais sans doute pas empêcher les lésions de la peau, des tissus mous et du reste du corps. Personne ne sait comment Maurice Daubard, Wim Hof et leurs disciples peuvent rester assis nus dans la neige pendant des heures sans souffrir d’hypothermie ni d’engelures.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
ans, toutes les méthodes décrites dans ce livre — depuis la cohérence cardiaque jusqu’à la rétention en passant par la respiration Buteyko et les expirations profondes de Stough —, ont fait une première apparition dans ces textes millénaires. Les savants qui les ont rédigés savaient clairement que la respiration ne se limite pas à absorber de l’oxygène, à rejeter du dioxyde de carbone et à amadouer le système nerveux. Notre souffle contient une autre énergie invisible, plus puissante, et qui affecte toutes les molécules connues de la science occidentale.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Si vous ouvrez n’importe quel livre, page web, article ou fil Instagram traitant de yoga, il y a de fortes chances que vous rencontriez le mot prana, qui peut se traduire par « force de vie » ou « énergie vitale ». Pour faire simple, le prana est une très ancienne théorie des atomes. Le carrelage de votre salle de bains, les vêtements que vous portez, votre conjoint qui fait du bruit en rangeant la vaisselle, tout cela est fait de particules atomiques tourbillonnantes. C’est de l’énergie. C’est du prana.Le concept de prana est apparu à peu près à la même époque en Inde et en Chine, il y a environ 3 000 ans, et c’est devenu la pierre angulaire de la médecine dans de nombreuses cultures. Les Chinois l’appelèrent ch’i. Ils pensaient que le corps contenait des canaux, des sortes de lignes de courant de prana qui reliaient entre eux organes et tissus. Les Japonais prononçaient ki, tandis que les Grecs disaient pneuma, les Hébreux, ruah, les Iroquois, orenda, et ainsi de suite.Autant de noms pour un même principe. Plus quelque chose est traversé par le prana, plus il est vivant. Si ce flot d’énergie se bloque, le corps s’enraye et tombe malade. Si nous perdons du prana au point de ne plus pouvoir assurer les fonctions corporelles de base, nous mourons.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Au fil des millénaires, ces cultures ont développé des centaines (des milliers !) de méthodes pour maintenir un flot constant de prana. Elles ont créé l’acupuncture pour ouvrir les canaux de prana, des postures de yoga pour réveiller et distribuer l’énergie. Pour elles, les aliments épicés ont une forte teneur en prana, et c’est une des raisons pour lesquelles les cuisines indienne et chinoise affectionnent le piment.
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Les Chinois nomment leur système de respiration consciente qigong, qi signifiant « souffle » et gong, « travail ». Un travail sur le souffle.
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la technique la plus puissante consistait à inhaler le prana, c’est-à-dire à respirer.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Quand nous respirons, nous augmentons notre force de vie
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Rama vide ses poumons, revient au calme, baisse ses lourdes paupières et se met à respirer. Il contrôle attentivement la quantité d’air qui entre et sort de son corps. Les courbes de l’électro-encéphalogramme se font plus longues et plus douces : les hyperactives ondes bêta se transforment en alpha, calmes et méditatives, puis en delta, encore plus longues, encore plus basses, qui sont associées au sommeil profond. Rama reste dans cet état comateux pendant une demi-heure. Il est si détendu qu’à un moment il se met à ronfloter. Lorsqu’il se « réveille », il est capable de relater en détail la conversation qui s’est tenue dans la pièce, alors que ses ondes cérébrales correspondaient à un sommeil profond. Sauf que Rama ne parle pas de sommeil profond, mais de sommeil « yogique », un état dans lequel le mental est actif tandis que le « cerveau dort ».
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Pour l’expérience suivante, Rama ne concentre plus son attention sur son cerveau, mais sur son cœur. Il est assis, immobile, prend quelques respirations, puis, sur un signal des scientifiques, ralentit sa fréquence cardiaque de 74 à 52 battements par minute (bpm) en moins de 60 secondes. À un moment donné, l’électrocardiogramme descend à 0 et y reste pendant 30 secondes. Green s’imagine alors que Rama a provoqué l’arrêt complet de son cœur, mais, en regardant l’appareil de plus près, il s’aperçoit que le méditant a réussi à le faire battre à 300 bpm. À cette vitesse, le sang ne peut pas remplir les ventricules, raison pour laquelle ce phénomène de contraction coordonnée des oreillettes (on parle de « fibrillation auriculaire ») finit en général par un arrêt cardiaque et la mort du patient. Mais Rama est impassible. Par la suite, il dira qu’il peut rester dans cet état pendant 30 minutes. Les résultats de l’expérience seront publiés dans le New York Times.
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À la séance suivante, Rama dirige le prana (ou un afflux de sang, ou les deux) vers d’autres parties de son corps : il le déplace à sa guise d’un côté à l’autre de sa main. En l’espace de 15 minutes, il crée une différence de température de 6 °C entre son petit doigt et son pouce. À aucun moment il ne bouge les mains.
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L’oxygène, le dioxyde de carbone, le pH et le taux d’hormones du stress ne jouaient aucun rôle dans les prouesses de Rama. Pour autant que l’on sache, ses taux de gaz sanguins et son système nerveux sont restés normaux pendant chacune des expériences. Une autre force était à l’œuvre, une énergie plus subtile, que Rama avait appris à maîtriser
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Rama transmit certains de ses secrets pour contrôler le prana par des cours et des vidéos. Il recommandait à ses étudiants de commencer par fluidifier leur respiration en supprimant la pause entre l’inspiration et l’expiration, de sorte que le souffle soit une boucle infinie. Une fois bien aguerris à cette pratique, ils pouvaient allonger chaque respiration.
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Il leur recommandait aussi de s’allonger une fois par jour pour l’exercice suivant : prendre une brève inspiration, puis expirer sur 6 secondes. À mesure qu’ils progressaient, ils pouvaient inspirer sur 4 et expirer sur 8, et ainsi de suite, avec pour objectif d’expirer sur 30 secondes au bout de 6 mois d’entraînement. S’ils atteignaient ces 30 secondes, promettait Rama, les étudiants « n’auraient plus aucune toxine ni maladie »
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La meilleure explication que j’aie pu trouver sur la « substance vitale » du prana et son fonctionnement ne me vient pas d’un yogi, mais d’un scientifique hongrois qui avait failli, enfant, se faire éjecter de l’école, puis s’était tiré une balle dans le bras pour éviter la mobilisation pendant la Première Guerre mondiale, avant de recevoir le prix Nobel de médecine pour son travail révolutionnaire sur la vitamine C.Il s’appelait Albert Szent-Györgyi. Après avoir émigré aux États-Unis dans les années 1940, il finit à la tête de la National Foundation for Cancer Research, où il passa des années à enquêter sur le rôle de la respiration cellulaire. C’est là, dans son laboratoire de Woods Hole, Massachusetts, qu’il proposa une explication de l’énergie subtile qui sous-tend à la vie et à toute chose dans l’univers. « Tous les organismes vivants ne sont que les feuilles du même arbre de vie, écrivait-il. Les diverses fonctions vitales des plantes et des animaux, leurs organes spécialisés, ne sont que des manifestations d’une même matière vivante. »
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Ce qui distingue les oiseaux, les abeilles ou les feuilles des objets inanimés, c’est le niveau d’énergie ou d’« excitabilité » des électrons dans leurs atomes. Plus les électrons peuvent être transférés facilement et fréquemment d’une molécule à l’autre, plus la matière est « désaturée » et vivante.
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En étudiant les premières formes de vie sur Terre, Szent-Györgyi a conclu qu’elles étaient toutes de piètres « accepteurs d’électrons ». Cette matière ayant moins d’énergie, elle avait aussi moins de chances d’évoluer. Elle est restée à stagner là sans faire grand-chose pendant des millions et des millions d’années.Enfin, l’oxygène, le déchet métabolique de ces formes de vie élémentaires, s’est accumulé dans l’atmosphère. L’oxygène était quant à lui un excellent « accepteur d’électrons ». En apprenant à consommer de l’oxygène, les nouvelles cellules vivantes se sont mises à attirer et à échanger beaucoup plus d’électrons que leurs ancêtres anaérobies. Avec ce surplus d’énergie, ces formes de vie se sont mises à évoluer rapidement pour devenir des plantes, des insectes et tout le reste.
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« Au niveau des électrons, l’état vivant est un état terriblement désaturé, écrit Szent-Györgyi. La nature est simple, mais subtile. »Cette règle se vérifie avec les formes de vie actuelles. Plus la vie peut consommer d’oxygène, plus elle est désaturée et animée. Quand la matière vivante est vibrante, capable d’absorber et de transférer des électrons de façon contrôlée, elle reste en bonne santé. Quand les cellules perdent la capacité de décharger et d’absorber des électrons, elles commencent à dysfonctionner. « Retirer des électrons de façon irréversible, c’est provoquer la mort », écrit Szent-Györgyi. C’est cette panne de l’excitabilité des électrons qui provoque la rouille des métaux, ou encore le fait que les feuilles deviennent brunes, puis tombent.
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Les humains « rouillent » eux aussi. Szent-Györgyi décrit ainsi le phénomène : quand les cellules de notre corps perdent leur capacité à attirer de l’oxygène, leurs électrons ralentissent et s’arrêtent d’interchanger librement avec les autres cellules, ce qui aboutit à une croissance anormale, dérégulée. Les tissus se mettent à « rouiller », comme tant d’autres matériaux, sauf qu’on ne parle pas de « rouille tissulaire » : on parle de cancer. C’est ce qui explique en partie pourquoi les cancers se développent dans des environnements pauvres en oxygène.
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La meilleure façon de garder les tissus corporels en bonne santé serait donc d’imiter les réactions qui ont émergé dans les premières formes de vie aérobies sur terre, en l’occurrence, d’approvisionner régulièrement et abondamment notre corps en un « bon accepteur d’électrons » : j’ai nommé l’oxygène. Respirer moins, lentement et par le nez permet d’équilibrer les taux de gaz respiratoires dans le corps et envoie un maximum d’oxygène à un maximum de tissus, de sorte que nos cellules disposent d’une réactivité maximale aux électrons.
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« Dans toutes les cultures et toutes les traditions médicales précédant la nôtre, la guérison se produisait par un déplacement d’énergie », constate Szent-Györgyi. L’énergie en mouvement des électrons permet aux êtres vivants de se maintenir en vie et en bonne santé le plus longtemps possible. Le nom de cette énergie a pu changer (prana, orenda, ch’i, ruah), mais le principe est resté le même. Il faut croire que Szent-Györgyi a suivi ses propres conseils. Il est mort en 1986 à l’âge de 93 ans.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Si vous remontiez quelque 5 000 ans en arrière, vous verriez, aux alentours de l’actuel Pakistan, un paysage de montagnes, de terre sableuse, de grandes plaines… La région serait peut-être un peu plus verdoyante que maintenant, mais surtout peuplée de 5 millions de personnes, la plupart massées dans des villes composées de petites maisons en briques serrées les unes contre les autres, reliées par des routes au tracé géométrique. Dans cette région, les outils des artisans comme les jouets des enfants sont en cuivre, en bronze ou en fer. Entre les rues en cul-de-sac sont construits des bains publics avec l’eau courante et des toilettes reliées à un système de tout-à-l’égout perfectionné. Sur la place du marché, vous verriez les vendeurs quantifier leurs produits à l’aide de poids et de mesures standardisés, des sculpteurs graver dans la pierre des motifs élaborés, et des céramistes produire des récipients et des tablettes d’argile.Il s’agit de la civilisation de l’Indus-Sarasvatî, nommée ainsi en référence aux deux fleuves qui coulaient dans cette vallée. C’est alors la civilisation la plus vaste (elle s’étale sur environ 777 000 kilomètres carrés) et la plus avancée au monde. On n’y a retrouvé aucune trace d’église, de temple ou de sanctuaire. Les gens qui vivaient là ne produisaient pas d’idoles, on n’y a retrouvé aucune iconographie, et ni palais, ni château, ni bâtiment gouvernemental de taille imposante. Peut-être ces gens ne croyaient-ils en aucun dieu.Ce en quoi ils croyaient, en revanche, c’est au pouvoir transformateur de la respiration. Un sceau gravé datant de cette époque, exhumé dans les années 1920, représente un homme dans une position caractéristique. Il est assis en tailleur, le dos bien droit, les mains sur les genoux. Plusieurs autres figures mises au jour par des fouilles archéologiques montrent la même attitude. Ces objets d’art sont les premières traces de postures « yogiques » dans l’histoire de l’humanité. Logique : la vallée de l’Indus est le berceau du yoga.
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Tout semblait se passer pour le mieux jusqu’à ce que, vers 2000 avant notre ère, la sécheresse ne s’abatte durablement sur la région, dispersant une grande partie de la population. Puis les Aryens sont arrivés du nord-ouest. Rien à voir avec les soldats blonds aux yeux bleus de l’imagerie nazie ; ces barbares aux cheveux noirs venaient d’Iran. Après avoir conquis la région, ils reprirent à leur compte la culture de l’Indus-Sarasvatî. Ils codifièrent, condensèrent et réécrivirent les grands textes dans leur propre langue, le sanskrit. C’est par ces traductions en sanskrit que nous avons accès au Veda, un corpus de textes religieux et mystiques qui contiennent la plus ancienne occurrence du mot « yoga ». Dans deux textes basés sur les enseignements védiques, le « Brihadaranyaka Upanishad » et le « Chandogya Upanishad », on trouve les premières leçons de respiration et de contrôle du prana.
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Vers 500 avant notre ère, les différentes méthodes sont sélectionnées et synthétisées dans les Yoga sutra de Patanjali. La respiration lente, les rétentions, la respiration profonde grâce à l’abaissement du diaphragme et l’allongement des expirations : tout cela apparaît pour la première fois dans ce texte ancien. Un passage des Yoga sutra (2.51) peut s’interpréter librement de la façon suivante :Quand une vague se présente, elle vous baigne et culmine, puis elle vous caresse en redescendant, et retourne à l’océan… Ainsi le souffle : l’inspiration se meut en expiration, et tout recommence.
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Nulle part dans les Yoga sutra il n’est question de bouger entre les postures ou de les répéter pendant la séance. Le mot sanskrit asana signifiait au départ « assise » autant que « posture », et désignait aussi bien le fait d’être assis que la surface sur laquelle on s’assied. Ce dont il n’était absolument pas question, c’était de se lever et d’enchaîner des mouvements. La forme la plus ancienne du yoga consistait à rester immobile et à faire circuler le prana par la respiration.
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Chaque posture était exécutée une fois et tenue pendant un temps qui lui semblait alors interminable. Ces longues postures permettaient aux étudiants de se concentrer exclusivement sur leur respiration. Ce n’était pas un cours facile. À la fin de chaque séance, DeRose était couvert de sueur et sentait le moindre de ses muscles.
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Ce n’est qu’au XXe siècle que quelqu’un a eu l’idée de combiner, d’enchaîner et de répéter les postures de façon fluide pour créer une sorte de danse, baptisée vinyasa, ou flow. C’est cette dernière forme de yoga, ainsi que d’autres techniques hybrides, qui sont les plus enseignées de nos jours dans les salles de sport. Le yoga des origines, centré sur le prana, l’assise et le souffle, s’est transformé en une sorte d’exercice aérobie.
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Il m’explique que les pratiques du yôga n’ont jamais été conçues pour soigner tel ou tel problème. Elles ont été créées afin que les personnes en bonne santé augmentent leur potentiel : acquérir le pouvoir de se réchauffer sur commande, élargir leur conscience, contrôler leur cœur et leur système nerveux, vivre une vie plus longue, plus riche.
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Je lui raconte la profonde impression qu’a faite sur moi la découverte d’une ancienne technique de pranayama, le sudarshan kriya
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La forme de kriya yoga que j’ai moi-même expérimentée a été mise au point dans les années 1980 par Sri Sri Ravi Shankar et est pratiquée de nos jours par des dizaines de millions de personnes dans le monde, par l’intermédiaire de la fondation Art de Vivre. Cette méthode produit largement les mêmes effets que le toumo, dans la mesure où, à en croire DeRose, l’un et l’autre découlent des mêmes pratiques anciennes1.À l’instar du toumo, le sudarshan kriya n’est pas une partie de rigolade. C’est une discipline qui nécessite du temps, de l’engagement et de la volonté. La méthode centrale, appelée « souffle purifiant », consiste en plus de 40 minutes de respiration intense. On commence par haleter au rythme de plus de cent souffles par minute, avant de respirer lentement pendant plusieurs minutes, puis presque pas du tout pendant la phase finale. Et on répète l’opération jusqu’à la fin de la séance.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Ce qui m’est arrivé à l’époque est simple et banal. Après avoir respiré si rapidement pendant des années, j’avais accumulé trop de prana et ne m’y étais pas adapté. C’est pour cela que j’étais en nage ce jour-là et que mon état de conscience s’est modifié. Le terme « sudarshan » se compose de su, qui veut dire « bon », et de darshan, qui signifie « vision ». À en croire l’intensité de ma réaction, j’avais même eu accès à une excellente vision.Si, depuis des milliers d’années, les yogis ont apprivoisé les techniques de pranayama, c’est précisément pour contrôler l’énergie et provoquer de « bonnes visions », quoique pas de façon aussi intense. Il faut en principe plusieurs mois, voire plusieurs années, pour maîtriser le processus. Les pratiquants modernes comme moi peuvent toujours essayer de prendre des raccourcis, mais c’est voué à l’échec. Les hallucinations, les hurlements, l’incontinence : rien de tout cela n’est censé arriver. C’est juste le signe que nous avons poussé le bouchon trop loin.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Je raconte à DeRose que je me suis couvert de sueur, que j’ai perdu la notion du temps, puis que je me suis senti tout léger pendant plusieurs jours après la première séance. Je lui dis que je cherche une explication à ce phénomène depuis dix ans, que j’ai participé à diverses expériences en laboratoire, analysé mes gaz sanguins et fait scanner mon cerveau à maintes reprises.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
La clé du sudarshan kriya, du toumo ou de toute autre technique de respiration ancrée dans le yoga ancien, c’est d’apprendre la patience, de maintenir la souplesse et d’assimiler progressivement ce que le souffle peut nous apporter. Ma première expérience de sudarshan kriya était un peu déstabilisante, admet DeRose, mais ne m’a-t-elle pas convaincu du pouvoir éclatant de la respiration ?Au bout du compte, c’est elle qui m’a conduit jusqu’ici.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Je détends ma gorge et prends une inspiration très profonde, jusqu’au creux du ventre, avant d’expirer à fond. J’inspire encore, et je recommence.« Inspirez jusqu’au bout, expirez jusqu’au bout, me dit Pinheiro. Continuez ! Respirez ! »
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Avant mon départ, Pinheiro a proposé de m’enseigner quelques techniques respiratoires de l’ancien yôga qui font la réputation de DeRose.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Nous commençons par une série de jiya pranayama, qui impliquent d’enrouler la langue vers l’arrière de la bouche et de retenir le souffle. Nous pratiquons ensuite quelques bhandas, où il s’agit de rediriger et retenir le prana dans le corps en contractant les muscles de la gorge, du ventre, et ainsi de suite. Ensuite, je m’allonge devant Pinheiro, et me retrouve à fixer le faux plafond. Mon coach m’annonce que le dernier exercice est destiné à renforcer le prana et à améliorer la concentration.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Et voilà. Ça recommence. Le sifflement dans les oreilles. La grosse caisse qui bat un rythme de heavy metal au fond de ma poitrine. L’onde immobile et chaude qui me baigne le visage, les épaules. La vague monte, me caresse et culmine, puis elle redescend, se retire et va rejoindre l’océan.
Chapitre 10 - Lentement, vite et pas du tout
Alors que je respire un peu plus vite, un peu plus profondément, les noms de toutes les techniques que j’ai explorées ces dix dernières années se bousculent dans mon esprit.Pranayama. Buteyko. Cohérence cardiaque. Hypoventilation. Coordination respiratoire. Respiration holotropique. Adhama. Madhyama. Uttama. Kêvala. Respiration embryonnaire. Harmonisation respiratoire. Respiration du Maître du Grand Non-Être. Toumo. Sudarshan kriya.Leurs noms ont pu changer au fil des années, leurs modalités ont pu évoluer, pour différentes raisons, au gré des cultures et des époques, mais elles ne se sont pas perdues. Depuis le début, elles sont en nous. Il n’y a qu’à les réactiver.Elles nous donnent le pouvoir d’agrandir nos poumons et de redresser notre corps, d’équilibrer notre mental ou notre humeur et d’exciter les électrons de nos molécules. Pour dormir mieux, courir plus vite, plonger à de plus grandes profondeurs, vivre plus vieux et poursuivre notre évolution.À travers elles, c’est la magie et le mystère de la vie qui sont à l’œuvre, un peu plus à chaque souffle.
Un dernier soupir
Sans antibiotiques, sans vaccins, sans visite en catastrophe chez mon médecin pour soulager une angine bactérienne, je ne serais plus de ce monde depuis longtemps. Les techniques médicales développées au cours des cent dernières années ont fait chuter la mortalité de façon spectaculaire. Elles ont amélioré la qualité de vie de millions de personnes dans le monde.Pourtant, la médecine moderne a elle aussi ses limites. « Les patients qui arrivent chez moi sont des morts-vivants », déclare le Dr Michael Gelb, chirurgien stomatologue et spécialiste du sommeil. C’est à peu près ce que répète sans cesse le Dr Don Storey, pneumologue depuis quarante ans, et accessoirement mon beau-père. Des dizaines de médecins à Harvard, à Stanford et dans d’autres institutions prestigieuses m’ont affirmé la même chose : la médecine moderne est d’une efficacité redoutable dans les cas graves et l’urgence, mais tristement déficiente lorsqu’il s’agit de traiter les maladies chroniques — l’asthme, les céphalées, le stress, les déficiences immunitaires — auxquelles sont confrontées les populations modernes.
Un dernier soupir
rôle du docteur est d’éteindre un feu, pas de dissiper la fumée.Personne n’est satisfait de cette situation : les médecins n’ont jamais le temps de prévenir ou de traiter des problèmes moins graves, et les patients atteints de problèmes apparemment plus anodins, mais chroniques, ne se sentent pas pris en compte.Je pense que c’est l’une des raisons pour laquelle tant de gens, en particulier des chercheurs en médecine, en sont venus à se pencher sur la respiration.
Un dernier soupir
Comme toutes les pratiques médicales venues d’Orient, les techniques respiratoires présentées ici ont avant tout des vertus préventives. Elles permettent de maintenir un équilibre dans le corps, de façon que les problèmes bénins ne dégénèrent pas en pathologies plus graves. La respiration permet aussi, souvent, de rétablir cet équilibre s’il est momentanément perturbé.
Un dernier soupir
« Plus de soixante ans de recherches sur les organismes vivants m’ont convaincu que notre corps est bien plus parfait que ne le laisse penser la liste interminable des pathologies répertoriées, écrit le Prix Nobel Albert Szent-Györgyi. Ses déficiences sont moins liées à des imperfections innées qu’aux mauvais traitements que nous lui infligeons. »Szent-Györgyi parlait ainsi de « maladies d’origine anthropique », une idée corroborée par l’anthropologue Robert Corruccini sous le terme de « maladies de civilisation ». Neuf d’entre elles sont des causes majeures de mortalité. Le diabète et les maladies cardio-vasculaires sont en lien avec notre alimentation, l’eau que nous buvons, le logement où nous vivons, les bureaux dans lesquels nous travaillons. Ce sont des maladies créées par les humains eux-mêmes.
Un dernier soupir
Quand on dit que certains d’entre nous sont génétiquement prédisposés à contracter telle ou telle maladie, cela ne signifie pas que c’est une fatalité. Les gènes peuvent être désactivés, tout comme ils peuvent être activés. L’interrupteur, ce sont les facteurs environnementaux. Adapter son régime alimentaire, faire de l’exercice, éliminer les toxines et éloigner les sources de stress de sa maison ou de son lieu de travail sont autant de mesures qui opèrent un effet profond et durable sur la prévention et le traitement de la majorité des affections chroniques contemporaines.
Un dernier soupir
Voici les sept règles d’or du « mieux respirer »…
Un dernier soupir
respirer par la bouche est une abomination.Après 240 heures à inspirer uniquement par la bouche, notre taux de catécholamines, ou hormones du stress, était monté en flèche, suggérant que nous avions été plongés dans une sérieuse détresse physique et mentale.
Un dernier soupir
Si le corps humain a développé deux canaux respiratoires distincts, c’est bien parce que cela augmente nos chances de survie. Quand le nez est obstrué, la bouche sert de ventilation de secours. Un joueur de basket qui avale quelques goulées d’air avant de tirer un panier, un enfant malade qui dort bouche ouverte, un éclat de rire à gorge déployée… ces situations ponctuelles sont sans effet sur la santé à long terme.La respiration orale chronique, en revanche, est un problème majeur. Notre corps n’est simplement pas fait pour assimiler de l’air brut pendant des heures, ni de jour ni de nuit. Ce phénomène n’a rien de normal.
Un dernier soupir
RESPIREZ PAR LE NEZ
Un dernier soupir
EXPIREZ À FOND
Un dernier soupir
on expire rarement à fond. Résultat : la plupart d’entre nous n’utilisons qu’une petite fraction de leur capacité pulmonaire. Ce comportement est terriblement improductif. L’une des premières mesures à prendre, pour acquérir une respiration saine, est d’allonger chaque souffle, de donner plus d’amplitude au diaphragme et de bien vider l’air à chaque cycle respiratoire.
Un dernier soupir
Contrairement au reste de notre squelette, les os de la face ne cessent pas de croître après l’âge de 20 ans. On sait aujourd’hui qu’ils peuvent s’étendre et se remodeler jusqu’à nos 70 ans, probablement plus tard. Nous pouvons donc influer à tout âge sur la taille et la forme de notre bouche, et par-là même sur notre capacité à respirer.
Un dernier soupir
n’écoutez pas le conseil selon lequel nous devrions nous nourrir comme nos arrière-grands-parents. La nourriture de cette époque était déjà beaucoup trop molle et transformée. Votre régime alimentaire devrait plutôt se composer des aliments radicalement bruts, crus et coriaces que mangeaient nos arrière-arrière-arrière-arrière-arrière-grands-parents, le genre d’aliments qui nécessitaient une bonne heure ou deux de mastication intensive. Entre les repas, fermez les lèvres, laissez vos dents se toucher légèrement, et placez votre langue sur le palais.
Un dernier soupir
L’hyperventilation a mauvaise presse depuis quelques décennies, et il faut dire que c’est mérité : fournir à notre corps plus d’air que nécessaire nuit à nos poumons, jusqu’à l’échelle cellulaire. Or, la plupart d’entre nous respirons déjà trop sans même nous en rendre compte.En revanche, respirer très intensément pendant un bref laps de temps peut avoir de profonds effets thérapeutiques. « Ce n’est que par un détour disruptif que nous pouvons retrouver un fonctionnement normal », m’a affirmé McGee. C’est à cela que servent des techniques telles que le toumo, le sudarshan kriya ou encore les pranayamas les plus vigoureux. Il s’agit de provoquer volontairement un stress temporaire (une trentaine de minutes), qui tire le corps de son marasme et le remet sur les rails pour le reste de la journée. Une respiration consciente intense nous apprend à devenir le pilote — non le passager — de notre corps et de notre système nerveux autonome.
Un dernier soupir
RESPIREZ DAVANTAGE, PARFOIS
Un dernier soupir
Il apparaît que les amygdales cérébrales, ces petites masses de matière grise de chaque côté de notre tête qui régulent notre perception de la peur et d’autres émotions, contrôlent également certains aspects de notre fonction respiratoire. Quand, à l’aide d’électrodes, on stimule les amygdales cérébrales de patients épileptiques, ces personnes arrêtent immédiatement de respirer… mais ne s’en aperçoivent même pas ! Elles semblent capables de tenir ainsi pendant un assez long moment avant de commencer à souffrir de l’augmentation de leur taux de CO2.
Un dernier soupir
La communication entre les chémorécepteurs et les amygdales fonctionne à double sens : ces structures échangent des informations et ajustent la respiration en permanence, d’une seconde à l’autre. Si cette communication est rompue, c’est le chaos.Feinstein est convaincu que les personnes anxieuses souffrent de problèmes de connexion entre ces différents organes, au point de retenir leur souffle tout au long de la journée.
Un dernier soupir
Il faut attendre que leur corps soit saturé en dioxyde de carbone pour que leurs chémorécepteurs se mettent en état d’alerte et ordonnent au cerveau de déclencher immédiatement le réflexe respiratoire. Le patient reprend son souffle dans un état de panique, un peu comme s’il échappait à la noyade.Si l’état d’anxiété de ces patients devient chronique, leur corps s’adapte de façon à prévenir les attaques de panique : en fait, il reste en état d’alerte permanent, et l’hyperventilation est une façon de minimiser la quantité de CO2 dans le sang
Un dernier soupir
« Si cela se trouve, l’expérience vécue par les patients souffrant d’anxiété est purement physico-chimique, ils réagissent à une urgence vitale dans leur corps, explique Feinstein. À la base, l’anxiété n’est peut-être pas du tout un problème psychologique. »Feinstein précise que cette approche est encore à l’état d’hypothèse, et demande à être mise à l’épreuve de façon rigoureuse : c’est ce qu’il se propose de faire au cours des prochaines années. Si sa théorie se vérifiait, cela expliquerait pourquoi une thérapie basée sur une respiration lente et régulière est encore le plus efficace des anxiolytiques.
Un dernier soupir
Voici donc l’équation quasi magique de la cohérence cardiaque et de la respiration parfaite : inspirez pendant 5,5 secondes, puis expirez pendant 5,5 secondes. Cela revient à 5,5 cycles respiratoires par minute, pour un total d’environ 5,5 litres d’air. Vous pouvez pratiquer cette respiration parfaite pendant quelques minutes ou pendant quelques heures. Personne n’a jamais entendu parler d’overdose d’efficacité respiratoire optimale !
Un dernier soupir
Vous verrez : avant que nous ayons le temps de dire ouf, les notions de respirer lentement, moins souvent et en expirant à fond par le nez seront récupérées, comme tant d’autres choses, par le « big business ». Gardez cependant à l’esprit qu’aucun matériel n’est nécessaire pour pratiquer. Pas besoin de chargeur, de Wi-Fi, de casque, ni de smartphone. Cela ne coûte rien, demande peu de temps et d’efforts, et vous pouvez le faire n’importe où, aussi souvent que nécessaire
Remerciements
Mes premières tentatives de tout élucider concernant l’art oublié de la respiration se sont soldées par une gigantesque salade de phrases. Tout ça pour dire que la rédaction de ce livre, comme celle de la plupart des livres, est le résultat d’un long effort ; ma tâche m’a souvent semblée aussi laborieuse et vaine que celle de Sisyphe.
Appendice - Techniques de respiration
AppendiceTechniques de respiration
Appendice - Techniques de respiration
CHAPITRE 3 • RESPIRATION À NARINES ALTERNÉES (NADI SHODHANA)Cette technique de pranayama classique permet d’améliorer la fonction pulmonaire, de réduire la fréquence cardiaque, la tension artérielle et le stress orthosympathique. C’est une technique efficace avant un rendez-vous, une réunion, ou pour trouver le sommeil.Position (optionnelle) de la main : poser doucement le pouce de la main droite sur votre narine droite, et l’annulaire de la même main sur la narine gauche. L’index et le majeur reposent entre les sourcils.Fermez la narine droite avec le pouce et inspirez très lentement par la narine gauche.Quand vos poumons sont pleins, marquez une courte pause en fermant les deux narines, puis ne relâchez que le pouce pour expirer par la narine droite.À la fin de l’expiration, fermez un instant les deux narines, puis inspirez par la narine droite.Continuez la respiration alternée pendant 5 à 10 cycles.
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CHAPITRE 4 • COORDINATION RESPIRATOIRECette technique aide à engager davantage le mouvement du diaphragme et à augmenter l’efficacité respiratoire. Il ne faut jamais forcer ; chaque souffle doit être doux et revigorant.Asseyez-vous bien droit, la colonne redressée et le menton perpendiculaire au corpsInspirez doucement par le nez. Quand vos poumons sont pleins, commencez à expirer en comptant doucement à voix haute de 1 à 10 autant de fois que vous le pouvez (1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 - 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 - 1, 2…).Quand vous vous approchez de la fin de l’expiration, poursuivez le comptage en murmurant et laissez votre voix s’éteindre peu à peu. Quand vous n’émettez plus de son, continuez de bouger les lèvres jusqu’à ce que vos poumons soient complètement vides.Prenez à nouveau une inspiration ample et douce, et répétez l’exercice.Répétez le cycle de 10 à 30 fois.Quand vous serez à l’aise avec cette technique en position assise, essayez-la en marchant, en courant, ou pendant une autre forme d’exercice peu intense
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CHAPITRE 5 • COHÉRENCE CARDIAQUE (OU RESPIRATOIRE)C’est une pratique apaisante qui place le cœur, les poumons et la circulation dans un état de cohérence. Les différents systèmes du corps fonctionnent alors selon leur efficacité maximale.Asseyez-vous bien droit, détendez les épaules et l’abdomen. Expirez.Inspirez doucement pendant 5,5 secondes, en gonflant le ventre à mesure que l’air emplit le bas des poumons.Sans marquer de pause, expirez doucement pendant 5,5 secondes, en rentrant le ventre à mesure que les poumons se vident. Chaque souffle doit vous faire l’effet d’un cercle.Répétez au moins 10 fois, plus si possible.Plusieurs applications proposent des minuteurs et des guides visuels. Mes préférées sont Paced Breathing et My Cardiac Coherence, toutes deux gratuites. J’essaie de pratiquer cette technique aussi souvent que possible.
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RESPIRATION BUTEYKOL’objectif des techniques Buteyko est d’entraîner le corps à respirer en accord avec ses besoins métaboliques. Pour l’immense majorité d’entre nous, cela signifie respirer moins. Buteyko disposait d’un arsenal de méthodes qui consistent presque toutes à allonger le temps entre l’inspiration et l’expiration, autrement dit à retenir son souffle.PAUSE DE CONTRÔLEC’est un outil diagnostique pour évaluer l’état général de la santé respiratoire et les progrès effectués.Munissez-vous d’un chronomètre (montre, téléphone portable…).Asseyez-vous bien droit.À la fin d’une inspiration, pincez les deux narines entre le pouce et l’index de la main de votre choix, puis expirez doucement par la bouche jusqu’à la conclusion naturelle du souffle.Démarrez le chronomètre et retenez votre respiration.Quand l’envie de respirer devient forte, notez le temps et inspirez doucement.Il est important que la première inspiration après la pause de contrôle soit maîtrisée et détendue ; si elle est forcée ou paniquée, c’est que la rétention était trop longue. Attendez plusieurs minutes, puis essayez de nouveau. La pause de contrôle ne doit être mesurée que quand vous êtes détendu, avec une respiration normale, jamais après un effort intense ou dans un état de stress. Et, comme pour toute technique de restriction du souffle, ne la pratiquez jamais au volant, sous l’eau, ni dans aucune situation où vous risqueriez de vous blesser si vous étiez pris de vertige.MINI-RÉTENTIONS À VIDEL’une des composantes clés de la méthode Buteyko est de respirer moins en permanence. Cette technique nous aide à y parvenir. Des milliers de pratiquants de cette méthode et de nombreux médecins chercheurs affirment qu’il n’y a rien de mieux pour prévenir les crises d’asthme et les crises d’anxiété.Expirez doucement et faites une rétention à vide pendant la moitié du temps de votre pause de contrôle. Par exemple, si votre pause de contrôle est de 40 secondes, la mini-rétention sera de 20 secondes.Répétez de 100 à 500 fois par jour.Régler une alarme tout au long de la journée, toutes les 15 minutes environ, peut vous aider à pratiquer régulièrement.
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CHANT NASALL’oxyde nitrique est une molécule booster, qui dilate les capillaires, augmente l’oxygénation et détend les muscles lisses. Chanter à bouche fermée multiplie par quinze la sécrétion d’oxyde nitrique dans les fosses nasales. C’est la méthode la plus efficace et la plus simple pour augmenter ce gaz essentiel.Respirez normalement par le nez et fredonnez à bouche fermée (hummm), sur n’importe quel air ou son.Pratiquez au moins 5 minutes par jour, davantage si possible.Cela peut vous paraître idiot, vous vous sentirez peut-être ridicule — et cela risque d’agacer votre entourage —, mais c’est une technique très puissante.
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MARCHER OU COURIRIl n’est pas nécessaire de s’adonner à des exercices d’hypoventilation extrême (cf. la torture que je me suis imposée au Golden Gate Park) pour profiter de bénéfices similaires à ceux de l’entraînement en altitude.Marchez ou courez pendant 1 minute en respirant normalement par le nez.Expirez et pincez-vous le nez en continuant d’avancer au même rythme.Quand la fringale d’air se fait sentir, libérez le nez et respirez tout doucement, environ la moitié de votre volume habituel, pendant 10 à 15 secondes.Reprenez une respiration normale pendant 30 secondes.Répétez tout le cycle 10 fois.
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DÉCONGESTION DU NEZAsseyez-vous bien droit et expirez doucement, puis pincez-vous le nez.Essayez de penser à tout sauf à la suspension du souffle : secouez la tête de haut en bas ou de droite à gauche, levez-vous pour faire le tour de la pièce, sautez sur place…Quand vous ressentez une forte envie de respirer, prenez une inspiration très lente et maîtrisée, par le nez. Si votre nez est toujours congestionné, respirez doucement par la bouche, dents serrées et lèvres retroussées.Continuez cette respiration calme et maîtrisée pendant 30 secondes à 1 minute.Répétez toutes ces étapes 6 fois.
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CHAPITRE 7 • MASTICATIONUne mastication énergique permet le développement de tissu osseux supplémentaire au niveau du visage, et donc l’ouverture des voies respiratoires. Or la plupart d’entre nous ne veulent pas ou ne souhaitent pas mastiquer leur nourriture plusieurs heures par jour, temps nécessaire pour bénéficier des avantages de la mastication. Un certain nombre de produits ou d’accessoires peuvent vous aider à obtenir les mêmes résultats.CHEWING-GUMMâcher n’importe quelle gomme fortifie la mâchoire et stimule la croissance de cellules-souches, mais les variétés plus coriaces permettent un exercice plus intense.Les chewing-gums Falim® (une marque turque) sont durs comme de la semelle et leur goût dure environ une heure. Le parfum sugarless mint (menthe sans sucre) est celui qui me convient le mieux. Les autres déclinaisons, bourrées de sucre, sont plus molles et plus vite écœurantes.La gomme de mastic est la résine du pistachier lentisque, un arbuste à feuilles persistantes cultivé dans les îles grecques depuis des millénaires. Plusieurs marques sont en vente sur Internet. Ce produit a une odeur forte, mais il permet un sérieux entraînement des mâchoires.
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Il existe deux formes de toumo, l’une qui stimule le système nerveux sympathique, l’autre qui déclenche une réponse parasympathique. Les deux fonctionnent, mais la première, popularisée par Wim Hof, est beaucoup plus accessible.
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cette technique ne doit jamais être pratiquée dans l’eau ou au bord de l’eau, en conduisant, en marchant, ni dans aucune autre situation où vous risqueriez de vous blesser si vous veniez à vous évanouir. Consultez votre médecin si vous êtes enceinte ou si vous avez des problèmes cardiaques.
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Trouvez un endroit calme et allongez-vous sur le dos, avec un oreiller sous la tête. Détendez les épaules, la poitrine, les jambes.Faites 30 respirations très rapides et très profondes, jusqu’au creux du ventre. Si possible, respirez par le nez ; s’il vous semble obstrué, respirez par la bouche, dents serrées, lèvres retroussées. Le mouvement de chaque inspiration doit vous faire l’effet d’une vague qui vous emplit le ventre avant de remonter dans les poumons. L’expiration suit le même mouvement : videz d’abord le ventre, puis la poitrine. L’air s’échappe puissamment par le nez, ou éventuellement par la bouche, dents serrées.Au bout de 30 respirations, laissez le souffle se terminer naturellement, en gardant environ un quart de l’air dans les poumons. Retenez cet air le plus longtemps possible.Quand vous avez atteint votre extrême limite, prenez une énorme inspiration, puis poursuivez la rétention pendant 15 secondes. Très doucement, déplacez cet air dans la poitrine, du côté des épaules, puis expirez et recommencez à respirer vite et fort.Répétez tout le processus au moins 3 fois.Le toumo demande de l’entraînement, et essayer de l’apprendre à partir d’instructions écrites peut se révéler difficile et déroutant.
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CHAPITRES 9 ET 10 • SUDARSHAN KRIYAParmi toutes les techniques que j’ai apprises, c’est l’une des plus exigeantes et déstabilisantes. Le sudarshan kriya se décompose en quatre phases : psalmodie du son om, rétention du souffle, respiration lente (inspiration sur 4 secondes, expiration sur 6, puis rétention sur 2) et enfin 40 minutes de respiration intense.Quelques tutos sont disponibles sur YouTube, mais, pour réaliser les exercices correctement, il est fortement recommandé de suivre une instruction plus poussée
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RESPIRATION YOGIQUEUne technique classique pour tous les aspirants étudiants en pranayama.PHASE IAsseyez-vous soit par terre, en tailleur, soit sur une chaise, le dos bien droit, les épaules détendues.Placez une main au-dessus du nombril et inspirez lentement par le ventre. Votre ventre se gonfle à chaque inspiration, se dégonfle à chaque expiration. Pratiquez 4 ou 5 fois.Ensuite, remontez un peu la main, de façon qu’elle couvre le bas de vos côtes. Concentrez le souffle en direction de votre main : la cage thoracique s’ouvre à chaque inspiration et se referme à chaque expiration. Pratiquez 4 ou 5 fois.Remontez la main juste sous les clavicules. Inspirez profondément dans cette zone et imaginez votre poitrine qui se dilate à chaque inspiration et se contracte à chaque expiration. Pratiquez 4 ou 5 fois.PHASE IIReliez tous ces mouvements en un seul souffle : inspirez dans le ventre, la cage thoracique, et enfin la poitrine.À l’expiration, faites le chemin inverse : videz d’abord la poitrine, puis la cage thoracique et enfin le ventre. N’hésitez pas à vous servir de votre main pour mieux ressentir de quelle façon se déplace le souffle.Répétez cette séquence environ 12 fois.Au début, ces mouvements vous sembleront peut-être étranges, mais ce sera plus facile au bout de quelques souffles.
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RESPIRATION CARRÉELes marins de la US Navy utilisent cette technique pour rester calmes et concentrés dans des situations tendues. Elle est extrêmement simple.Inspirez sur 4 temps ; retenez le souffle sur 4 ; expirez sur 4 ; retenez sur 4.Répétez l’exercice.Une expiration plus longue suscitera une réponse parasympathique plus forte. Cette variation de la respiration carrée, visant à relaxer davantage le corps, est particulièrement propice à l’endormissement.Inspirez sur 4 temps ; retenez sur 4 ; expirez sur 6 ; retenez sur 2.Répétez l’exercice.Essayez de pratiquer au moins 6 fois de suite, plus si nécessaire.
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RESPIRATION 4-7-8Cette technique, rendue célèbre par le Dr Andrew Weil, place le corps dans un état de relaxation profonde. Je l’utilise pour m’endormir sur les vols long-courriers.Prenez une inspiration, puis expirez par la bouche, sur un son de type whoushh.Fermez la bouche et inspirez calmement par le nez en comptant mentalement jusqu’à 4.Retenez le souffle, poumons pleins, sur 7 temps.Fermez la bouche et expirez calmement par le nez sur 8 temps.Répétez ce cycle environ 4 fois.Weil propose sur YouTube des instructions pas à pas qui ont déjà récolté plus de 4 millions de vues : www.youtube.com/watch?v=gz4G31LGyog.